Une crise sociale

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André Macron


André Macron

C’est en revenant d’un voyage en Europe que j’ai rencontré, dans l’avion, un homme de 60 ans, originaire d’Espagne. Il ne rendait pas visite à ses enfants ou ses petits-enfants récemment installés au Canada, il ne s’agissait pas non plus pour lui d’un simple voyage d’agréments. Laissant sa famille derrière pour mieux la faire venir plus tard, cet homme de 60 ans, formé et jouissant d’une solide expérience de soudeur pointeur, venait tenter sa chance au Canada, son pays d’origine se trouvant aux prises avec une crise économique sans précédent. Alors que bon nombre de gens frisent à 60 ans l’âge de la retraite, s’ils n’y sont pas déjà, cet homme entamait à cet âge avancé et respectable une nouvelle vie, se cherchant un nouvel emploi et, pourquoi pas, un nouvel avenir.
Son sort, qu’il parvenait cependant à prendre avec un certain optimisme, m’a fait songer au sort de tous ces gens, de tous ces hommes principalement, qui, faute de trouver le bon emploi dans le Pontiac, sont obligés de délaisser leur femme et leurs enfants afin de gagner leur vie quelque part, dans les mines, dans l’Ouest ou ailleurs encore. Le Canada n’aura jamais paru aussi vaste qu’en ce temps. C’est parfois 28 jours que les familles sont ainsi divisées et séparées… et si, au bout de ce long laps de temps, il leur est accordé de souffler un peu, la joie des retrouvailles est souvent entachée de l’angoisse d’un départ trop hâtif.
D’autres encore ont choisi, après avoir déserté les bancs de l’école pour de très nombreuses années, de retourner aux études et c’est sans aucune assistance particulière, sans aucune aide financière, que ces gens, âgés d’un certain âge souvent, prennent leur courage à deux mains et tentent d’améliorer leur sort afin de rester dans une région qu’ils ont appris à aimer malgré l’adversité. Et si l’économie n’est pas le but d’une vie en soi, il reste que pour certains, c’est une question de survie afin qu’ils puissent répondre à leurs besoins d’aujourd’hui sans attendre aux promesses du lendemain.
Le monde n’est-il pas rempli de contradictions alors que se croise, le matin dans le Pontiac, l’incessant ballet de ceux qui partent gagner leur pain en ville et de ceux qui viennent ici, glorieuses qualifications en poche, remplir les quelques places sur la très courte liste des emplois disponibles dans notre belle région ? À l’heure des réductions de gaz à effet de serre, à l’heure d’un achat local réfléchi et responsable, n’y a-t-il pas là un paradoxe de taille que de laisser filer notre main-d’œuvre humaine pour en employer une, plus qualifiée sans doute, mais sans le sentiment d’appartenance qui lui permettrait, au-delà du fait de gagner de l’expérience, de s’installer vraiment ici.
Rien de bien étonnant toutefois… Puisqu’en même temps que de nous bombarder de messages sur l’importance de l’environnement, nous achetons de pays extérieurs, souvent lointains, ce que nous ne voulons ou ne pouvons plus produire ici. Les pays capitalistes et exploiteurs sont mis au ban de nos sociétés hautement humanitaires qui ne rechignent pourtant pas à enrichir d’autres pays, heureusement pas capitalistes, où les politiques en place permettent, sans les encombrants remords, d’exploiter leur main-d’œuvre et de faire fi de tous les acquis sociaux que nous conservons si précieusement ici.
À quand le développement réel, celui qui saura tenir compte de nos réalités ? À quand de vrais encouragements ? À quand les actes au lieu des mots ? À quand la prise en compte de nos ressources et richesses, notre bois, notre électricité, nos fermes et nos commerces, notre main-d’œuvre aussi ? À quand la véritable prise en compte des gens d’ici ?