Pour la déprivatisation du public

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Dominique Bomans

La rentrée scolaire bat son plein. Nos enfants, pleins d’entrain, se dirigent vers

Dominique Bomans

La rentrée scolaire bat son plein. Nos enfants, pleins d’entrain, se dirigent vers
l’école, obligatoire il est vrai, et s’y préparent au monde de demain. En ce temps-ci de l’année, l’école est une véritable fourmilière : chacun y joue son rôle afin qu’au bout du compte, tous y trouvent une place pour le plus grand bien de la collectivité. Sous le caractère jovial du bon vieux retour à l’école se cachent
pourtant les malaises profonds du monde de l’éducation. La rentrée des classes, c’est aussi le temps de faire des bilans.
Mettons de côté l’aspect financier de la question. Admettons que nous ayons tous les moyens d’envoyer nos enfants où bon nous semble, où donc enverriez-vous les vôtres ? Il semblerait que du point de vue des taux de réussite, l’école privée atteigne des objectifs plus probants que l’école publique. Les taux de décrochage y sont aussi plus faibles. La conclusion qui semble aller de soi n’est pourtant pas
celle que l’on croit.
On pourrait aisément nier l’exactitude de tels résultats ne prenant pas en
compte le processus de sélection opéré par toute école privée qui se respecte pour n’y faire rentrer, qu’en grande majorité, ceux qui gonflent déjà les taux de toutes les réussites. On pourrait aisément évoquer la personnalisation d’une vocation qui permet, à plus large échelle, de répondre plus adéquatement aux besoins de certains. Mais ce serait, selon moi, alimenter la
virulence des débats opposant les tenants d’un système aux partisans de l’autre, nous écartant ainsi d’une menace plus sournoise et finalement des véritables enjeux qui sous-tendent l’éducation, qu’elle soit publique ou privée.
Depuis une quinzaine d’années au Québec, les systèmes d’éducation, scolaire, collégial et universitaire, connaissent de profonds changements. Ils s’adaptent,
mais sont-ils vraiment adaptés ? On y parle de budget, de taux de réussite, de taux de décrochage, de clientèle, d’efficience, de capital humain, de rendement scolaire, de rentabilité, d’investissement. On y promeut des programmes qui, dès le plus jeune âge, développent l’esprit d’entreprise de nos enfants. Sans égard pour la définition, on y dissocie la pédagogie de la matière, la transformant en une sorte de fourre-tout technique applicable à n’importe quel contenu. On y capitalise l’éducation réduite à la simple expression de sa valeur marchande.
S’il est vrai que l’école et l’entreprise ont tout à gagner à faire bon ménage, que les contributions de l’une à l’autre sont appréciables, il n’en va pas de même lorsqu’il s’agit d’en adopter, sans grand discernement, les normes de fonctionnement. Et puisque notre économie marque des signes de faiblesse, que notre richesse est en corrélation quasi directe avec notre endettement, doit-on attendre le prochain krach boursier pour remonter le cours de nos actions ? Parce qu’aujourd’hui, nos enfants se dirigent vers l’école et y préparent notre monde de demain.

Dominique Bomans est professeur à l’école secondaire Sieur-de-Coulonge. Elle y enseigne principalement le français.