Opposition croissante au dépôt nucléaire de Chalk River
Tashi Farmilo
Publié dans le Journal du Pontiac le 4 juin 2025.
MONTRÉAL – Une conférence de presse organisée par la Première Nation de Kebaowek (PNK) à Montréal a ravivé les critiques à l’égard d’un projet d’installation de déchets nucléaires à Chalk River. L’événement, tenu le 26 mai à la Maison du développement durable, a réuni des leaders autochtones, des militants environnementaux, des scientifiques et des élus, qui ont tous appelé les gouvernements fédéral et québécois à rejeter l’Installation de gestion des déchets près de la surface (IGDPS) proposée par les Laboratoires Nucléaires Canadiens (LNC).
L’installation vise à stocker jusqu’à un million de tonnes de déchets radioactifs de faible activité et de déchets industriels toxiques — notamment de l’amiante et du plomb — sur un site situé à un peu plus d’un kilomètre de la rivière des Outaouais, une source d’eau potable essentielle pour des millions de personnes.
Le chef Lance Haymond, de la PNK, a déclaré que le projet avait été approuvé sans leur consentement, en violation des obligations juridiques inscrites dans la Constitution canadienne et dans la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (DNUDPA). Il a cité deux récentes décisions de la Cour fédérale concluant que les LNC et la Commission canadienne de sûreté nucléaire (CCSN) n’avaient pas suffisamment consulté la Première Nation de Kebaowek ni évalué d’autres sites.
En réponse, les LNC ont publié une déclaration affirmant qu’elles ont mené de vastes démarches auprès des communautés autochtones. « Les LNC demeurent pleinement engagées à faire progresser la réconciliation avec les nations autochtones », a indiqué l’entreprise. « Dans le cadre de l’IGDPS, les activités de mobilisation menées au cours des huit dernières années ont été élargies pour inclure toutes les communautés et organisations autochtones ayant exprimé un intérêt pour le projet. Toutes ces activités sont menées dans un esprit de collaboration et de respect mutuel. »
Les LNC ont précisé que leur appel des décisions judiciaires n’a pas pour but de remettre en cause les droits des Autochtones, mais plutôt d’obtenir une clarification juridique dans un contexte légal complexe et en évolution. « Il existe peu d’exemples de mise en œuvre de la DNUDPA au Canada, et aucun dans le secteur nucléaire. Il est donc important pour les LNC d’obtenir une compréhension claire des exigences à respecter pour poursuivre notre travail et notre mission de gestion responsable du passif nucléaire du Canada », pouvait-on lire dans le communiqué.
L’entreprise affirme que l’IGDPS repose sur près d’une décennie de recherche scientifique, d’examens environnementaux et de consultations communautaires.
La Commission canadienne de sûreté nucléaire (CCSN) a indiqué que son rôle est de réglementer l’industrie de façon indépendante, sans influence gouvernementale ni corporative. Elle a souligné que sa décision de janvier 2024 d’approuver l’IGDPS était fondée sur des conclusions selon lesquelles le projet ne causerait pas d’effets environnementaux négatifs importants si les mesures d’atténuation sont respectées, et que sa conception est robuste et résiliente aux changements climatiques ainsi qu’aux risques sismiques. La CCSN s’est également engagée à collaborer avec la PNK et les LNC pour appliquer les directives de la Cour par le biais d’un processus de consultation transparent et collaboratif, et a précisé qu’aucun déchet radioactif ne pourra être placé dans l’installation sans un permis distinct à venir.
Les critiques présents à la conférence de presse ont remis en question la proximité du projet avec la rivière et la longue durée de vie des éléments radioactifs concernés. Le Dr Gordon Edwards, président de la Coalition canadienne pour la responsabilité nucléaire, a souligné la présence d’isotopes dont la demi-vie varie de plusieurs milliers à plusieurs centaines de milliers d’années. « Cette installation est présentée comme sécuritaire, mais elle représente un risque permanent situé à côté d’un cours d’eau vital », a-t-il déclaré.
Plus de 130 municipalités du Québec, y compris tous les arrondissements de Montréal, ont adopté des résolutions contre le projet. Une motion unanime de l’Assemblée nationale du Québec, adoptée en 2022, exprimait également des inquiétudes concernant le dépôt de déchets nucléaires près de la rivière des Outaouais, même si le gouvernement provincial n’a pas encore pris de mesures officielles.
Alors que les procédures judiciaires se poursuivent, la PNK exhorte le public et les gouvernements à reconsidérer le projet. Une campagne de financement menée par l’organisme RAVEN Trust soutient leur bataille juridique.