Nos traces finissent par s’effacer

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Je suis pas mal remué. Je voulais écrire – hasard des lectures – sur les croyantes, oui, sur les femmes et Dieu, pour faire court. Mais j’y reviendrais dans mon prochain éditorial, car ma grand-mère est morte. En fait, ne me restait qu’elle, puisque mon autre grand-mère et mes deux grands-pères sont déjà disparus. Notez que les euphémismes (comme « disparaitre ») que l’on utilise habituellement pour atténuer l’impact de cette situation plutôt grave (si, si, quand même) en disent beaucoup sur notre déni: un jour, pourtant, notre corps va être effacé ; nos proches, nos amis, nos enfants et petits-enfants, tous les gens que l’on a croisés, plus ou moins longtemps, au fil des années, que nous les ayons
influencés ou qu’ils nous aient marqués, ils ne nous verront plus, pire, ils nous oublieront peu à peu. Pensée insupportable.

Certains répondraient qu’au lieu de m’apitoyer sur ma condition de mortel, je devrais plutôt 1) penser à mon père, son fils, qui désormais n’a plus de parents vivants 2) apprécier d’avoir connu et pu profiter de ma grand-mère tant d’années ; moi ayant 53 ans, elle étant morte à 95 ans ! Il est vrai que le confort affectif, le sentiment d’appartenance familiale et même le témoignage d’une personne ayant traversé le XXe siècle, tout cela en partage a nourri l’adulte que je suis. Même si au fond, je connaissais peu ma grand-mère : mes yeux d’enfants me l’ont forcément montré plus grande que nature et pleine de bontés envers moi ; plus tard, le jeune adulte a appris et compris maints comportements et non-dits pour se faire sa propre opinion sur la personne. Cependant, si ce sont ses qualités humaines que je retiens finalement, c’est tout ce qu’elle a vécu avant que je naisse qui constituent pour moi un mystère. C’est ce que j’aimerais savoir et que je ne peux qu’imaginer.

La messe, l’enterrement, la crémation, l’inhumation, autant de dernières étapes où je ne fus pas ; je n’ai pas pris l’avion pour franchir les 7000 km me séparant de mon Occitanie natale. Notre dernière rencontre datait du mois d’août dernier… Par extension, j’ai repensé à mes autres grands-parents, et même à mes arrière-grands-parents, que j’ai eu la chance de fréquenter jusqu’à mes 20 ans ! En vérité, je pense à eux assez souvent. J’essaie de ne pas les oublier, parce qu’il ne reste que cela de leur existence, des souvenirs et mon affection.

Depuis, j’ai visionné le film Adieu Berthe, un film français de Denis Podalydes, œuvre originale, fantaisiste et difficile à classer, qui raconte l’histoire d’un homme d’âge mûr découvrant réellement la vie de sa grand-mère, après sa mort, alors qu’il doit s’occuper de ses funérailles. Il est entrainé dans une série d’événements quelque peu insolites qui l’entraînent en fait à explorer son identité et à se découvrir lui-même. Fruit du hasard ?