PONTIAC – Le projet de loi 20, déposé par le
ministre de la Santé du Québec, le dr Gaétan Barette, à la fin novembre a produit une onde de choc dans la communauté
médicale et soulevé l’ire des associations médicales.
Le gouvernement libéral soutient que le
PONTIAC – Le projet de loi 20, déposé par le
ministre de la Santé du Québec, le dr Gaétan Barette, à la fin novembre a produit une onde de choc dans la communauté
médicale et soulevé l’ire des associations médicales.
Le gouvernement libéral soutient que le
projet de loi 20 vise à
optimiser l’utilisation des ressources dans le système de santé, tout en améliorant l’accessibilité aux médecins de famille et aux soins spécialisés. Selon les médecins, cette loi
produirait l’effet contraire.
Par ce projet de loi,
M. Barette introduit des mesures fort controversées. Une mesure obligerait tous les médecins à traiter un nombre minimum de patients et une autre exigerait que les spécialistes offrent des consultations médicales à un nombre minimum de patients, en plus des consultations dans les salles d’urgence. Et les médecins qui ne rempliraient pas ces conditions pourraient être soumis à des pénalités financières: leur salaire pourrait être réduit par la RAMQ (Régie de l’assurance-maladie du Québec). Selon ce projet de loi, le ministre pourrait décider unilatéralement de modifier les salaires des médecins pour un laps de temps limité.
Rien de positif pour les soins en milieu rural
Selon le Docteur Tom O’Neill, ce projet de loi ne contient rien de bon pour la médecine familiale en milieu rural. « Le gouvernement veut retirer les médecins de famille
des hôpitaux – urgence, anaesthésie, obstétrique – afin qu’ils voient leurs patients dans leurs bureaux, mais les médecins font beaucoup plus que des heures de bureau. 50% des soins en salle d’urgence sont prodigués par des médecins de famille. Qui va les remplacer? Les soins obstétriques seront offerts seulement en ville? »
Selon le ministre Barette, les mesures
contenues dans le projet de loi, qui ont provoqué un tollé dans le monde
médical, auront pour effet d’augmenter le nombre de patients traités par
les médecins. « Si vous regardez ailleurs au Canada, vous constatez que les médecins voient en moyenne 30 patients par jour tandis qu’au Québec, la moyenne est de 14 patients. Nous devons
mettre en place des mesures pour ceux qui
travaillent plus fort », déclarait M. Barette.
Les réactions à ces
propos ne se sont pas fait attendre. Par la voix de son président le Dr Louis Godin, la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ)
affirmait que « ce sont des mesures très coercitives, même choquantes ».
M. Godin ajoutait que, par son attitude digne d’une dictature, le ministre de la Santé est en rupture avec une longue tradition de collaboration entre les médecins de famille et le gouvernement. Selon la Fédération, l’imposition de quotas et de pénalités
constitue une attaque qui déshumanise la pratique de la médecine familiale. Mais, le ministre affirme qu’
environ 20% de la
population du Québec (1,6 million de personnes) n’a pas de médecin de famille bien que le Québec ait 20% en plus de médecins que l’Ontario.
La FMOQ accuse aussi le gouvernement de recourir à des subterfuges.
« Les mesures touchant la médecine familiale
contenues dans le projet de loi 20 nous ont été présentées pour la première (et la seule fois). Il n’a jamais été mentionné que le gouvernement avait l’intention de présenter de telles mesures deux semaines plus tard: nous avions
compris qu’il s’agissait du point de départ pour amorcer une discussion. Au lieu de cela, Québec va de l’avant en imposant des mesures coercitives basées strictement sur des chiffres. Mais cette approche n’a jamais fonctionné dans le passé et aura des r
épecussions négatives: une déstabilisation de notre système de santé déjà
fragilisé, une dévalorisation de la médecine familiale au Québec et le découragement des omnipraticiens qui travaillent en première ligne à chaque jour », ajoutait M. Godin.
Mais le ministre Barette affirme que « tout ce qu’on retrouve dans ce projet de loi (20) a déjà fait l’objet de discussions avec les médecins. Si nous ne
pouvons pas en arriver à un accord, nous pourrions aller dans une direction
différente ».
Question d’emplois
Le Dr O’Neill fait remarquer un autre problème spécifique aux régions rurales. « Les soins de santé sont le plus important employeur dans le Pontiac. Si une position d’administrateur est transférée vers la ville, il s’agit d’un emploi de qualité qui nous est enlevé et nous devons subir l’effet domino: plusieurs positions de personnels de bureaux – des emplois assez bien rémunérés – disparaitront aussi. On prétend qu’un emploi en ville est équivalent à 60 emplois ici. Notre système de santé est responsable de 550 emplois et a bien géré ses budgets: pourquoi éliminer tout cela? Rien dans ce projet de loi n’offre des avantages pour les régions rurales », précisait-il.
La FMOQ presse le gouvernement d’éliminer du projet de loi les mesures coercitives et d’entamer des « discussions significatives » afin que l’accès aux soins de première ligne soient améliorés. « Si cela ne se produit pas, le gouvernement devra porter seul l’odieux de la faillite du projet de loi 20. Nous, nous occupons des personnes, pas juste des chiffres », concluait le Dr. Godin.
Plusieurs médecins de la régions ont affirmé que ces mesures pourraient pousser davantage de médecins du Québec à déménager ailleurs au Canada ou aux États-Unis, qui offrent des meilleurs salaires et des meilleures conditions de travail.
Avant de joindre les rangs du Parti libéral, le ministre Barette a été membre de la CAQ.
Laurent Robillard-Cardinal (tr. L. T.)