« Aujourd’hui, c’est assez ! » Voilà le message que la MRC et les élus du Pontiac de concert ont voulu faire passer en bloquant la voie de chemin de fer à Portage-du-Fort. (André Macron)
André Macron
« Aujourd’hui, c’est assez ! » Voilà le message que la MRC et les élus du Pontiac de concert ont voulu faire passer en bloquant la voie de chemin de fer à Portage-du-Fort. (André Macron)
André Macron
PORTAGE-DU-FORT, le 13 août 2013 – Le 13 août dernier, la MRC de Pontiac se mobilisait contre le démantèlement par la compagnie CN de la voie de chemin de fer traversant le Pontiac.
La MRC de Pontiac avait précédemment adopté, au mois de mars de cette année, un règlement sur l’utilisation des terres (#192-2013), approuvé par le ministère des Affaires municipales et le gouvernement du Québec, interdisant le démantèlement de cette voie reliant le site industriel de Portage-du-Fort à Ottawa, une voie stratégique pour le développement économique de la région. La compagnie CN a cependant décidé de passer outre ce règlement et d’envoyer ses équipes sur place. C’est une véritable confrontation qui s’en est alors suivie les 13 et 14 août derniers.
Sous la houlette de Michael McCrank, préfet de la MRC de Pontiac, qui a pris la décision de bloquer les voies avec un véhicule arborant le logo de notre MRC régionale, des représentants d’entreprises locales et des citoyens, accompagnés d’élus, se sont rassemblés sur les lieux afin de manifester leur mécontentement et d’empêcher la réalisation des travaux de démantèlement.
« Le Canadien National a fait son argent sur le dos des petites communautés comme la nôtre. Maintenant, ils nous laissent tomber. Autrefois ils ont acheté les rails du chemin de fer pour la somme de 1 million de dollars, aujourd’hui ils veulent en revendre l’acier pour plus de 20 millions $ », déclarait M. McCrank, visiblement indigné du mépris avec lequel la compagnie CN semble traiter les communautés qui lui ont permis de se construire.
Interrogé sur le sujet et sur les raisons exactes qui poussent la compagnie CN à démanteler le réseau ferroviaire, M. Jim Feeny, porte-parole de la compagnie, mentionnait que depuis 2009 qu’ils travaillent en collaboration avec la MRC de Pontiac afin de développer le trafic ferroviaire et de trouver une clientèle susceptible d’utiliser le réseau, leurs efforts sont restés vains. Depuis la fermeture de Smurfit Stone, en 2008, ces rails n’ont plus été utilisés. Ils ne semblent pas non plus attirer de nouveaux usagers.
« Nous avons besoin de rails là où l’économie fonctionne et nous voulons tout simplement relocaliser là où le besoin se fait sentir », concluait M. Feeny, ajoutant qu’ils les avaient d’ailleurs rachetés pour la somme de plus de 1 million $ avec d’autres affaires et produits inclus. Quant au projet de train de banlieue jumelé avec train de marchandises auquel Louise Donaldson, la directrice de Transport Renfrew Pontiac, faisait référence, Jim Feeny expliquait encore qu’il n’avait tout simplement pas abouti puisque, désireuse d’obtenir une réduction fiscale auprès de Revenu Canada afin de compenser les pertes, CN s’était vu refuser cet avantage.
Les rails étant placés sous juridiction fédérale, M. Jim Feeny était certain du bon droit de la compagnie CN d’en disposer comme elle l’entendait et le bureau de la ministre des Transports Lisa Raitt, semblait bien confirmer ce point de vue, parlant à propos du démantèlement prévu, « d’une décision d’affaires concernant une compagnie privée ». D’autres acteurs politiques, cependant, n’étaient pas du même avis. Le maire de Fort-Coulonge, Raymond Durocher, trouvait dommage de ne voir sur place aucun député. Selon lui, la voie ferroviaire est une des pièces maîtresses du développement économique du Pontiac et il est important de la défendre, d’autant plus qu’avec une certaine arrogance, pour reprendre ici ses propos, la compagnie CN avait commencé le démantèlement des rails sans tenir compte du règlement préétabli.
Dans ce bras de fer opposant la MRC de Pontiac à la compagnie CN, M. Mathieu Ravignat, député fédéral de Pontiac, affirmait vouloir soutenir la MRC dans ses efforts.
Justifiant son absence remarquée sur les lieux les 13 et 14 août derniers, il précisait encore que son rôle n’était pas de manifester au côté de la MRC, ni même de bloquer les rails, mais bien de représenter l’ensemble des citoyens pontissois devant les instances politiques fédérales.
Du côté provincial, selon les dires mêmes de Mme L’Écuyer, députée de Pontiac, les pouvoirs sont limités. Reconnaissant l’importance de cet outil pour le développement économique du Pontiac, elle se montrait, malgré tout, surprise par l’absence de certains acteurs essentiels du côté de Renfrew. « Avec ce qui s’est passé à Lac Mégantic, tout le monde se montre prudent. Les coûts des assurances sont élevés. Transport Pontiac Renfrew a-t-il les moyens de les assumer ? »
Mme L’Écuyer renvoyait à l’expérience malheureuse du démantèlement de la voie ferrée entre Montréal et Québec, ayant entraîné le détournement du transport lourd sur les routes. « Si l’Ontario a la 417 sur laquelle compter pour le transport des marchandises, nous ne pouvons accepter, dans le Pontiac, la même fréquence de transport. La 148 ne saurait répondre aux besoins; bordée de part et d’autre de terres agricoles, son développement est plus que limité. »
Les acteurs sont nombreux et le dossier est complexe. Selon M. McCranck, la voie ferrée est le seul espoir d’attirer de nouvelles entreprises dans le parc industriel et d’empêcher la région de mourir. Deux cents emplois directs, et au moins quatre cents indirects sont menacés par le démantèlement « C’est le temps pour les gouvernements d’intervenir et de nous aider dans ce que nous essayons de faire ici », lançait-il aux médias dans un appel un peu désespéré.
Les jours qui allaient suivre devaient être décisifs. Le directeur général de la MRC de Pontiac, M. Rémy Bertrand, avait confié le dossier aux tribunaux. Suite à l’audience devant le palais de justice de Gatineau le 20 août à 14h, le Canadien National a accepté de respecter la règlementation en vigueur et a arrêté le démantèlement de la voie ferrée. De son côté, la MRC de Pontiac a retiré le véhicule qui bloquait l’accès aux rails. La suspension des travaux devrait être maintenue jusqu’aux dates du 10 et 11 octobre prochains, dates d’audience de la cause devant les tribunaux.
Si la première bataille est remportée par la MRC de Pontiac, la guerre est loin d’être achevée. Au plus fort du conflit, M. Jim Feeny affichait encore l’assurance de gagner.