Les producteurs forestiers, incapables de livrer leur bois, ont besoin de soutien en ces moments difficiles. Au contraire, ils se retrouvent en compétition avec leur propre MRC qui, elle aussi, vend du bois en utilisant d’autres filières. Sur la photo, de gauche à droite : Stéphanie Mayhew, Brian Hahn, Chuck Huckabone, Daniel Boileau, Mike Gagnon, Michel Léonard, Claude Gravelle, Jean Kluke, Robert Bouvrette et Roy Hérault. (André Macron)
André Macron
CAMPBELL’S BAY, le 30 avril 2014 – Pour sa 54e assemblée annuelle, à laquelle une trentaine de personnes participaient, les responsables de l’Office des producteurs de bois privé du Pontiac (OPBP), représentant 3 650 propriétaires, présentaient le budget et faisaient voter d’importantes résolutions.
Après les traditionnels mots de bienvenue du président, Chuck Huckabone, et du directeur de l’Office, Michel Léonard, un budget très équilibré était présenté. En effet, malgré une baisse notable des revenus d’environ 10 %, le montant de 2 659 108 $ a été payé aux producteurs de bois privé pour leurs coupes de bois. L’année dernière, ce montant était de 2 942 697 $. Malgré les grands défis auxquels l’Office a dû faire face cette année, un surplus de 18 131 $ a pu être généré.
Cela étant dit, la baisse de revenus notable a non seulement été expliquée au cours de la réunion, mais certaines résolutions ont été prises pour tenter d’améliorer la situation économique des producteurs du Pontiac.
« Les usines ne prennent plus notre bois et préfèrent s’approvisionner de bois en provenance des forêts publiques offert à des prix dérisoires », déclarait M. Nicolas Brodeur, producteur de bois privé et ancien directeur de l’Office. Selon M. Léonard, les producteurs ont rencontré des difficultés à mettre en marché le bois en provenance des forêts privées parce que les usines leur ont fermé leurs portes au nez malgré les ententes. « La capacité de production du Pontiac est de 356 780 m3 et nous n’avons pourtant pu livrer que 92 121 m3 de bois », précisait-il.
Roy Hérault, directeur de l’Office des producteurs de forêts privées du Pontiac pour le secteur de Litchfield, devait confirmer. « Les usines pleurent pour obtenir des contrats d’approvisionnement à 35 sous la tonne. Le gouvernement vend le bois des forêts publiques à des prix dérisoires avec lesquels il nous est totalement impossible de compétitionner. À ces prix-là, le gouvernement ne fait même pas d’argent, mais nous avons du bois à terre que nous ne pouvons plus vendre. »
Selon M. Hérault, la MRC de Pontiac, elle aussi, participe au système de compétition déloyale. Cette année, la MRC a vendu du bois en provenance de lots intramunicipaux de forêt publique dont elle a la gestion, sans consulter l’Office. En effet, alors qu’en 2011 encore, la MRC mettait son bois en marché par le biais de l’Office et qu’elle assumait, comme tous les autres producteurs, des frais de mise en marché, elle ne le fait plus depuis 2013, en plus de consentir des ventes à des prix qui donnent des armes aux industries qui utilisent alors ce prétexte pour faire baisser les prix du bois en provenance des forêts privées. La situation a déjà clairement été dénoncée au conseil des maires, mais jusqu’à présent, aucune démarche n’a été entamée pour régler le problème.
À l’échelle du Québec, la détérioration du sort des propriétaires de boisés est semblable. Les revenus des 130 000 propriétaires forestiers s’élevaient en 2005 à 356 millions de dollars. En 2013, ils ont baissé à 178 millions de dollars, une baisse du revenu global de la forêt privée de 50 %. En 2007, le prix par m3 était de 35 $ pour la pâte. Aujourd’hui, il n’est plus que de 27 $ par m3 alors que les prix de l’essence, des équipements, de la main-d’œuvre et des taxes foncières ne cessent d’augmenter. Pour toute la province de Québec, les industriels forestiers transforment annuellement 28 millions de m3 tandis que le gouvernement leur offre 32 millions de m3 d’approvisionnement à lui seul. C’est sans compter les 10 millions de m3 que pourraient vendre les propriétaires des boisés privés et l’importation de 4 millions de m3 des provinces voisines. Les cours sont pleines et l’État québécois représente le plus grand concurrent sur le marché forestier.
Alors qu’un arbitrage est en ce moment même en place, pour ces raisons, entre les Offices de la Gatineau, de Labelle et du Pontiac avec l’usine Résolu, « c’est assez ! » est le message lancé au cours de la réunion par tous les producteurs de bois privé. Une résolution a été adoptée à l’unanimité pour que le principe de la résidualité des forêts publiques soit définitivement respecté. Selon la loi, le bois des forêts privées est en effet prioritaire sur le bois des forêts publiques quand vient le temps de la mise en marché. Pourtant, d’après Roy Hérault, la MRC de Pontiac fait du « business » et entre en concurrence directe avec les producteurs de bois privé et payeurs de taxes. C’est 25 % seulement du bois en provenance des forêts privées qui est actuellement mis en marché. Par contre, 80 % de la capacité forestière des forêts publiques intramunicipales gérées par la MRC de Pontiac est vendu aux industriels, la MRC n’ayant pas eu à investir pour l’achat d’un terrain forestier au départ et n’ayant à payer aucune taxe sur ces forêts.
Une autre résolution a également été prise à l’unanimité, au cours de la réunion concernant l’augmentation du fonds de garantie de paiement à l’Office, de 100 000 $ à 300 000 $ en prélevant 25 sous à la tonne déjà inclus dans le prélevé. Ce fonds sert à garantir le paiement aux producteurs quand le paiement par les industriels acheteurs est incertain.
Selon Martin Boucher, le marché du bois change. Les petites usines disparaissent et celles qui restent se consolident en grosses entreprises de plus en plus puissantes. La concurrence diminuant, les multinationales se retrouvent finalement en situation de monopole, ce qui n’est certes pas des plus avantageux pour les producteurs de bois privé. Le directeur général de la Fédération des producteurs forestiers du Québec, Marc-André Côté, mentionnait cependant que les producteurs s’organisent, mettant notamment en place un système de transport plus efficace.
En outre, des études sont faites pour démontrer que le prix du bois scié a augmenté de 40 % au cours de la dernière année, le marché d’exportation vers les États-Unis s’étant amélioré avec l’échange du dollar canadien à 90 sous US, et que les usines sont, à l’heure actuelle, tout-à-fait rentables, tandis que le bois récolté des forêts privées permet aux propriétaires forestiers de ne défrayer que l’équivalent de 30 % de leurs taxes foncières et scolaires. Seuls les grands propriétaires de terrains forestiers, bien souvent d’ailleurs des industriels forestiers, bénéficient d’un remboursement de taxes parce que les procédures sont bien trop compliquées pour les petits producteurs pour qui ça ne vaut tout simplement plus la peine de participer à ces programmes. Un plan d’aménagement coûte 1000 $ et l’ensemble des dépenses associées à la récolte, à la construction de voirie forestière ou à la sylviculture dissuadent aujourd’hui les propriétaires d’entamer de quelconques travaux sylvicoles.
La candidate libérale pour la course à l’investiture pour le Parti Libéral du Canada pour le comté de Pontiac, Madame Cindy Duncan McMillan, en provenance de la Vallée-de-la-Gatineau, est présente chaque année pour l’assemblée annuelle de l’Office des producteurs de la région. Elle se disait très étonnée de ne voir là aucun élu ni aucun autre candidat potentiel pour apporter leur écoute et leur appui aux producteurs forestiers qui sont, au même titre que les agriculteurs, l’un des poumons des régions. Ils ont nécessairement besoin du soutien des élus.