Le 14 mai dernier, Gilles Proulx, un animateur bien connu des médias, a été accueilli dans le Pontiac pour livrer une conférence.
Le 14 mai dernier, Gilles Proulx, un animateur bien connu des médias, a été accueilli dans le Pontiac pour livrer une conférence. De retour dans son coin de pays, il déclenchait de vives réactions suite aux propos controversés qu’il tenait alors sur le Pontiac en général, le simple nom d’un « char » pour beaucoup d’entre nous apparemment, les Pontissois, des « rednecks » visiblement et les institutions politiques, religieuses et scolaires ignorantes des droits et des lois.
Monsieur Gilles Proulx,
Votre rubrique de presse (« Pontiac : un comté mal nommé »), parue le 29 mai dernier, dans le Journal de Montréal, a causé tout un émoi dans la région et peut-être au-delà. En cela, je présume que vous méritez votre réputation de polémiste, ridiculisant par vos écrits combatifs les travers de ce temps. Mais je ne suis pas certaine que vous l’ayez fait avec beaucoup d’esprit. Vous aurez manqué là une belle occasion ! En fait, je crois que c’est bien de cela qu’il s’agit justement : votre visite était apparemment une belle grande occasion manquée.
Que vous n’ayez retiré de votre bref séjour dans le Pontiac que ce que vous en décrivez, très succinctement d’ailleurs, m’étonne un peu. Pour avoir déménagé assez souvent, changé de travail de temps en temps, je me suis rendu compte qu’il fallait un certain temps avant de s’acclimater et surtout d’émettre un jugement. Il n’est sans doute, pour vous, pas nécessaire de dépasser les premières impressions.
Il est évident que, dans le Pontiac, la question identitaire francophone, parce que c’est celle dont vous nous parlez, n’est pas réglée. Il est évident également que nos institutions et nos représentants ont parfois du mal, en matière linguistique, à suivre la loi tout simplement. Il est évident que tout le monde, dans le Pontiac, ne parle pas systématiquement le français de prime abord. Mais bon, ça m’est tout de même arrivé plus d’une fois dans la belle grande ville de Montréal et on n’était pas, selon vous sans doute, en territoire « redneck ». Cette insulte remonte d’ailleurs à la guerre de Sécession… et même si elle est encore utilisée, majoritairement par des gens de la ville d’ailleurs, elle me semble vraiment datée d’un autre temps, bien avant 1950 en tout cas.
Vous avez voulu faire réagir la population ? Elle s’est sentie insultée par vos propos. Vous n’y gagnerez pas ainsi votre cause si tant est que vous en ayez une bien entendu. Vous avez voulu faire réagir les politiciens ? J’espère qu’ils réagiront, mais d’autres du Pontiac, bien avant, et peut-être mieux que vous, se sont battus et se battent encore pour les faire réagir… Vous avez donc voulu faire réagir ceux qui réagissent déjà ? Je ne sais pas, je ne suis même pas certaine que vous ayez pris le temps de les rencontrer.
« L’école », cette « école » dont vous parlez qui fait tout ce qu’elle peut pour ignorer la loi 101, n’est pas celle où j’enseigne. Moi, j’enseigne le français à l’école secondaire Sieur-de-Coulonge où l’on fait tout ce qu’on peut justement pour, sans ignorer les lois, travailler avec des êtres humains à la frontière du Québec et de l’Ontario, comprendre leur réalité peut-être moins tranchée que la vôtre, plus bigarrée, une identité bien de ce siècle finalement, une identité multiculturelle pour bon nombre de nos jeunes, dont l’identité francophone.
Dans notre Pontiac, si l’anglais est une menace (et je dis bien « si »), le francophone que vous êtes l’est tout autant, parce que, croyez-moi d’expérience à présent, si nos jeunes n’assument pas toujours pleinement leur identité francophone, c’est parce que les modèles qui se présentent à eux leur semblent inatteignables et que, quels que soient les efforts qu’ils fournissent, ils sont toujours jugés insuffisants. Si le Québécois n’aime pas beaucoup que l’on critique sa parlure, le Pontissois, quant à lui, a du mal à trouver sa place dans un Québec qui l’ignore et/ou le condamne.
Je vous invite donc à venir visiter notre coin de pays pour la toute première fois parce que je pense que vous en avez eu l’occasion par le passé et que vous êtes véritablement passé à côté.
Dominique Bomans