André Macron / Lionel Tessier
André Macron / Lionel Tessier
CAMPBELL’S BAY, le 14 décembre 2013 – À la suite de la publication de l’article en page 2 de notre édition du 20 novembre dernier intitulé « L’eau potable de plusieurs municipalités n’est pas aux normes », de nombreux citoyens des municipalités concernées ont manifesté leur inquiétude face à la qualité de l’eau de leurs robinets. Voici donc une mise au point sur la situation.
Selon Santé Canada, les trihalométhanes totaux (THM), qui sont en question dans notre article, constituent un groupe de composés qui se forment par réaction entre le chlore utilisé pour désinfecter l’eau potable et les matières organiques présentes naturellement dans l’eau (feuilles de végétation en décomposition par exemple), surtout dans l’eau des lacs et des rivières. Or l’utilisation du chlore s’avère essentielle dans le traitement de l’eau potable puisqu’elle a presque éliminé toutes les maladies d’origine hydrique en détruisant ou en inactivant la plupart des microorganismes couramment trouvés dans l’eau. Les THM constituent un risque non négligeable pour la santé et c’est pour cette raison notamment que la norme de 80 parties par million a été établie pour le Québec.
Lors de la transmission de leur eau pour analyse par les municipalités, les laboratoires analysent le niveau de coliformes et la présence de E. Coli qui peuvent tous deux représenter un danger pour la santé. Dans le cas de dépassement des normes, les municipalités sont averties et doivent émettre un avis d’ébullition. Dans les cas de dépassement des normes de THM, selon l’agente de relations avec les médias du Ministère du Développement durable, de l’Environnement, de la Faune et des Parcs (MDDEFP), Mme Geneviève Lebel, en vertu de l’article 35 du Règlement sur la qualité de l’eau potable, les municipalités responsables d’un réseau de distribution ont l’obligation de s’assurer de la qualité de l’eau qu’elles distribuent et de faire faire régulièrement des analyses à cette fin. Pour les trihalométhanes, le suivi minimal exigé au règlement est d’un échantillon par trimestre. La municipalité doit alors acheminer ses échantillons vers un laboratoire accrédité qui, lui, devra transmettre le résultat des analyses réalisées à la municipalité, de même qu’une copie au MDDEFP.
À l’heure actuelle, plusieurs municipalités concernées pensent encore que c’est au Ministère de les avertir de la situation afin qu’elles prennent les mesures nécessaires pour assurer la santé des citoyens. Elles pensent pour la plupart par ailleurs que, n’ayant reçu aucun avis d’ébullition ou aucun avertissement de quelque sorte de la part du ministère, leur eau ne représente aucun danger pour la santé des citoyens. Pourtant, toujours en cas de dépassement des normes de THM, selon Mme Lebel, en vertu de l’article 36 du Règlement, c’est à la municipalité de communiquer dans les meilleurs délais durant les heures ouvrables avec le MDDEFP et la Direction de la santé publique pour leur indiquer les mesures qu’elle a prises ou qu’elle entend prendre pour corriger la situation.
Concernant les dangers potentiels que peuvent représenter les THM sur la santé, le MDDEFP se prononce également. « Puisqu’il y a une norme, c’est qu’il y a un risque pour la santé associé à ce dépassement. Cependant, dans le cas des THM, ce n’est pas un risque à court terme, mais plutôt un risque associé à une exposition à plus long terme, c’est pourquoi les interventions sont modulées en ce sens. » Selon l’agente de relations avec les médias du MDDEFP, c’est la Direction de la santé publique qui dispose de la compétence pour se prononcer sur le risque encouru en cas de dépassement des normes de THM et sur la potabilité de l’eau. Si les municipalités ont l’obligation de publier, depuis mars 2013, un rapport annuel sur la qualité de leur eau incluant les résultats des analyses effectuées, ainsi que les mesures prises pour éviter les dépassements de normes, elles ont également l’obligation, depuis 2001, d’informer le MDDEFP et la Direction de la santé publique de résultats d’analyse non conformes et des mesures prises propres à remédier à la situation.
Selon Santé Canada, des études sur des animaux de laboratoire ont démontré qu’il existe bel et bien un lien entre les THM et l’apparition de certaines tumeurs chez les rats et les souris. Les études effectuées sur les humains suggèrent un lien entre l’exposition à des concentrations élevées de trihalométhanes et des effets en matière de reproduction. Toutefois, des études plus poussées sont nécessaires pour confirmer ces effets. Il est également possible qu’une concentration élevée de THM dans l’eau augmente le risque de cancer de la vessie, bien que ce risque soit encore incertain et qu’il n’apparaisse qu’après exposition à long terme.
Les normes incluses au Règlement sur la qualité de l’eau potable (RQEP) sont issues de recommandations canadiennes élaborées par le Comité fédéral-provincial-territorial sur l’eau potable en collaboration avec Santé Canada. Le processus d’élaboration des recommandations canadiennes implique la révision du contenu par des experts internationaux et une consultation publique. Le MDDEFP et les intervenants québécois de santé publique peuvent convenir, pour un paramètre donné, d’introduire à la réglementation une norme plus sévère que la recommandation canadienne proposée. C’est le cas de la norme pour les trihalométhanes totaux de 80 microgrammes par litre (ug/l) incluse à la réglementation. Celle-ci est en effet plus sévère que la recommandation établie à 100 ug/l. Le Québec a adopté cette norme afin de réduire l’exposition de la population aux sous-produits de la chloration.
Les chiffres publiés dans l’article paru dans notre édition du 20 novembre étaient tirés des rapports de 2012. Selon certaines municipalités, la situation aurait évolué depuis. Comme le précisaient Mme Martine Durocher, directrice générale de Fort-Coulonge, ainsi que Ben Kuhn, directeur général adjoint de la Municipalité de Pontiac, les données de 2012 ont été relevées alors que les usines de filtration de Fort-Coulonge et de la Municipalité de Pontiac venaient d’entrer en opération et des ajustements étaient alors nécessaires. Les municipalités auraient d’ailleurs demandé de rencontrer un spécialiste du MDDEFP en vue de s’informer sur les moyens de réduire encore le niveau de THM dans l’eau potable.
Les chiffres officiels, obtenus auprès de Mme Geneviève Lebel du MDDEFP, sont les suivants.
La Santé publique du Québec recommande quand même quelques précautions à prendre pour les femmes enceintes et les personnes qui consomment beaucoup d’eau. Pour diminuer la concentration de THM dans l’eau, la méthode la plus facile serait de laisser un contenant d’eau ouvert durant 24 heures au réfrigérateur de telle sorte que les THM puissent s’évaporer presque complètement. Il est également possible de traiter l’eau avec un appareil de traitement de l’eau par charbon activé, tel qu’un pichet filtrant certifié ANSI/NSF. La consommation d’eau embouteillée pourrait finalement remplacer la consommation de l’eau du robinet.