Confirmé: la santé et l’éducation en Outaouais sont sous-financées Le Ministère est sceptique, Équité Outaouais est convaincu

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Allyson Beauregard
 

Allyson Beauregard
 
OUTAOUAIS – Après avoir parcouru la région pour diffuser sa théorie sur le sous-financement drastique des systèmes de santé et d’éducation  de l’Outaouais, le message d’Équité Outaouais (EO) a été récemment confirmé dans une étude publiée par Bertrand Schepper de l’Institut de recherche et informations socioéconomiques (IRIS). Bien que l’Outaouais représente 4,7% de la
population du Québec, il ne reçoit que 3,5% du budget provincial de la santé, ce
qui représente une pénurie d’environ 250 millions de dollars par année.
EO, une organisation qui rassemble et mobilise les résidents de l’Outaouais préoccupés par les inégalités dans les services de santé, d’éducation et de justice sociale, a approché IRIS pour mener l’étude en
janvier 2018.
« Beaucoup de gens connaissaient déjà le manque de financement, mais l’étude avait pour but d’obtenir des chiffres officiels et de confirmer ce qui n’était souvent qu’une impression », a déclaré Christian Bernier, représentant de l’OE. L’étude a validé toutes les spéculations qu’ils avaient. « Les seules surprises étaient les mauvaises. Le financement était pire que ce que nous pensions dans quelques domaines, comme le nombre de classes offertes et les retombées économiques dans la région », a-t-il ajouté.
L’étude a combiné les cinq MRC de l’Outaouais et les a comparées à des régions similaires : Bas Saint-Laurent, Saguenay Lac-Saint-Jean et Mauricie et Centre-du-Québec.
« Le manque de financement pour le système de santé de l’Outaouais crée une pression sur l’ensemble du système et se traduit par une accessibilité réduite et des services de moindre qualité par rapport aux régions similaires et à la moyenne québécoise », indique l’étude.
Les domaines les plus touchés étaient la « gestion des immeubles » et
les « dépenses administratives », qui ne représentaient respectivement que 68,7% et 69,1% de la moyenne provinciale. Les pénuries de personnel (médecins, infirmières, spécialistes, personnel de soutien) sont le résultat des déficits de financement, ce qui a amené plus de 1,4 million de résidents de l’Outaouais, au cours des dix dernières années, à chercher des services en Ontario, où ils sont plus accessibles. Cela revient à 139 283 résidents par an, ce qui coûte annuellement plus de 100 millions de dollars à la RAMQ.
« Si [cet argent] était dépensé en Outaouais pour soigner des patients, cela créerait 1 650 emplois supplémentaires », affirme l’étude.
De plus, le nombre de lits pour des séjours de courte durée en Outaouais pour 1 000 habitants ne représente que 75% de la moyenne provinciale; 185 lits supplémentaires, soit l’équivalent d’un petit hôpital, devront être ajoutés pour atteindre la moyenne. Cette pénurie, due en partie à des restrictions d’espace, rend difficile l’embauche de nouveaux médecins et spécialistes, ce qui contribue encore davantage au manque de personnel.
De plus, le financement de l’enseignement professionnel n’aide pas le
problème. Le nombre de programmes offerts est nettement inférieur à celui d’autres régions comparables, ce qui a poussé un grand nombre d’étudiants
à fréquenter des écoles ailleurs; 25% ne reviennent pas au Québec pour
travailler.
M. Schepper affirme que, pour atteindre les moyennes provinciales, le Québec doit investir 141 millions de dollars supplémentaires par année dans des programmes de formation professionnelle pour accueillir 12 000 étudiants de plus, ce qui favoriserait la création de 2 153 emplois.
Le Centre intégré de santé et de services sociaux de l’Outaouais a refusé de commenter l’étude.
  Ce qui est fait
Selon le député de Pontiac, André Fortin, dans le dernier budget, le ministre des Finances a reconnu que certaines régions recevaient traditionnellement plus de financement que d’autres. « Le budget a annoncé une augmentation de 300 millions de dollars pour s’assurer que toutes les régions reçoivent le même financement, en fonction de la population et des besoins. La réponse à long terme consiste à indemniser les autorités sanitaires régionales sur la base des actes médicaux qui seront mis en place au cours des prochaines années », a-t-il ajouté.
Noemie Vanheuverzwijn, porte-parole du ministère de la Santé et des Services
sociaux (MSSS) auprès des médias, a expliqué que
l’augmentation du budget était la suivante: « En 2017-2018, le déficit de financement pour tous les programmes de services était proche de 300 millions de dollars après révision de la population (pour toutes les régions). Pour l’Outaouais, il s’élevait à 15,9 millions de dollars. [Les 300 millions de dollars] vont [indemniser
les régions manquant de ressources par rapport aux autres]. »
Cependant, Mme Vanheuverzwijn s’est montrée prudente en interprétant les résultats de l’étude (comparaisons entre régions) car « chacune a son propre contexte ». « L’utilisation d’une simple proportion de lits ou de dépenses liées à la population ne tient pas compte des facteurs tels que la mobilité, les coûts supplémentaires liés aux missions universitaires ou ceux liés aux coûts fixes des petites institutions. Par exemple, il est normal que Montréal ait des dépenses par habitant plus élevées parce qu’elles fournissent des services aux [non-résidents] », a-t-elle ajouté, notant que des facteurs sociodémographiques doivent également être pris en compte, car les services et la densité de population ont un impact sur les dépenses en infrastructures.
Le député Fortin a déclaré que le problème le plus pressant était l’insuffisance de main-d’œuvre et que des mesures devaient être mises en place pour attirer et retenir des professionnels dans les centaines de postes vacants de l’Outaouais. « Entre autres choses, nous proposons de réduire le temps de formation pour les préposés en introduisant une formation en cours d’emploi pour une
partie de leur scolarité, ce qui leur permettra de fournir des soins plus rapidement », a-t-il expliqué. Son parti envisage également d’étendre les services que les pharmaciens peuvent offrir pour réduire les charges de travail des hôpitaux et des cliniques.
L’étude complète est disponible en français à l’adresse https://cdn.irisrecherche.qc.ca/uploads/publication/file/Outaouais_web.pdf.              
  (Tr. LT)