Sur les 60 témoins entendus par la commission Rouleau sur l’état d’urgence de février dernier, combien croyez-vous étaient francophones ? Et combien ont parlé en français ? Seulement trois hauts fonctionnaires du Service canadien du renseignement de sécurité ? Dominique Leblanc, acadien, ministre des Affaires intergouvernementales, de l’Infrastructure et des collectivités ? Justin Trudeau? En réalité, un seul témoin a entièrement communiqué en français : Steeve Charland, un Québécois leader du groupe des Farfadaas, un groupe d’opposants aux mesures sanitaires ! Sympa comme image des Francos !
Mais enfin, il s’agissait d’une commission fédérale ! Vous savez, ce palier de gouvernement qui prétend défendre le français et prône l’emploi des deux langues officielles au travail? Et bien, même dans ce genre d’événement, il ne serait donc pas possible d’échanger dans la langue de son choix, en l’occurrence le français ? Faits intéressants : la traduction simultanée était offerte et le juge Rouleau, qui préside cette commission, est franco-ontarien ! Que s’est-il passé ?
La réponse est simple. Et triste. La plupart des témoins francophones trouvent l’anglais plus « facile », plus « confortable » et normal, puisque certains avocats ne parlent pas le français. Comme c’est mimi ! Comme c’est généreux ! On pourrait aussi y voir de l’aplaventrisme, corollaire d’une insécurité linguistique généralisés, résultat de l’anglonormativité (l’anglais est la langue dominante, on doit être capable de se faire comprendre et de l’utiliser en toute circonstance), bref comme une forme de « racisme » linguistique systémique, puisque relié aux structures du pouvoir. La moquerie subie par le conseiller municipal Mathieu Fleury durant son témoignage en est d’ailleurs un exemple parfait.
Alors, pour régler le problème, pourquoi ne pas suivre les conseils de la ministre Mona Fortier ? On va « continuer à suggérer d’utiliser les deux langues officielles partout ». Et bien, avec ce genre de mesure puissante, on n’est pas sorti de l’auberge ! Et on comprend mieux pourquoi la modernisation de la Loi sur les langues officielles, promise depuis 2015 par le gouvernement libéral de Trudeau n’a toujours pas été adoptée, alors qu’elle est à l’étude depuis mars dernier. Et je ne parle même pas du contenu de ladite loi, clairement pas à la hauteur des enjeux réels de la survie du français au Canada.
La situation est vraiment préoccupante. À l’image de la francophonie institutionnelle, celle de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF). Cet organisme unique au monde réunit 88 pays et états francophones et mène des actions pour créer des ponts entre les 320 millions de francophones. Or, l’OIF a pour secrétaire-générale la citoyenne d’un pays qui a non seulement abandonné l’organisation, mais également le français lui-même, en adoptant l’anglais comme langue officielle ! Elle a été placée là par Emmanuel Macron, le président français, pour des raisons politiques. De plus, le Sommet de la Francophonie s’est tenu la semaine en Tunisie, un pays dirigé certes par un président élu, mais qui, depuis, a dissout le parlement et s’est arrogé les pleins pouvoirs. Bel exemple de démocratie ! On rétorquera que l’OIF aborde des enjeux d’aujourd’hui, dans une perspective multilatéraliste : l’éducation des jeunes, l’entrepreneuriat féminin comme facteur de croissance économique, la culture numérique, la « défiance citoyenne » envers les gouvernements… Ne sont-ce pas les problématiques du futur pour une francophonie de l’avenir ? Et au Canada? Demandez à nos décideurs ce qu’ils en pensent, ici, dans notre beau pays bilingue. Juste pour rigoler… ou pleurer.