Quand les intérêts industriels deviennent publics

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Si j’avais imaginé un scénario où une compagnie privée, de pair avec le gouvernement, décidait d’une réforme gouvernementale, sans doute m’aurait-on accusée de complotisme à outrance, condamnant toutes mes prises de position futures à de simples divagations un peu folles. Et pourtant…

Pas plus tard qu’à la fin septembre, nous apprenions que la Tiger Team, une association, composée de représentants de l’industrie et du gouvernement, a participé à l’élaboration d’une réforme portant sur l’édition génomique, ou la modification de gènes. Figuraient, dans la liste des acteurs industriels, deux grandes compagnies lobbyistes, CropLife et le Conseil des grains du Canada, dont l’un des objectifs premiers est de prouver que l’édition génomique ne constitue aucun risque pour la santé humaine.

Dans le Pontiac, plus près de chez nous, Jane Toller, la directrice de notre MRC, s’est faite, depuis quelques années déjà, la porte-parole d’un projet d’incinération des déchets. Mais celle-ci semble avoir outrepassé son rôle de porte-parole d’un projet public pour devenir l’émissaire de la compagnie Covanta qui a des intérêts particuliers dans l’affaire puisqu’elle est un des leaders en matière de gestion de déchets municipaux, si l’on en croit la compagnie elle-même dont les propos sont corroborés par Jane Toller.

Dénominateur commun de ces deux nouvelles, la connivence établie de longue date entre instances industrielles et politiques n’est guère singulière. Que l’économie chapeaute nos actions et ce, depuis bien des années, ne constitue pas en soi une nouvelle suffisante que pour s’indigner. Toutefois, cette dernière prend une tournure plus préoccupante alors que, dans un cas comme dans l’autre, il est question de décisions prises sur base d’informations biaisées et partisanes. S’il m’apparaît normal de prendre en compte les intérêts économiques dans nos prises de décisions publiques, ces intérêts ne peuvent prévaloir sur la santé des gens ni même sur les valeurs éthiques qu’une société s’est données.

Sous les apparences d’une collaboration saine et efficace, vendue comme un modèle à répéter, ce sont finalement les compagnies économiques à qui l’on donne le droit « légitime » de décider de notre sort. Ce sont elles qui se mettent à définir nos façons de faire et surtout nos façons de voir. Ce sont elles qui manipulent les politiciens à tel point qu’elles finissent par ne plus faire qu’un avec eux. Bien malin celui qui saura différencier, dans ce type de partenariat, le discours de l’un et de l’autre, les documents mêlant les informations de l’industrie et du politique sans aucune distinction. Et dire que nos jeunes apprennent, pendant des années, à citer leurs sources! Si les politiciens suivaient leurs traces, peut-être ne les accuserait-on plus de comploter? Il y a bien là de quoi s’indigner.