Tashi Farmilo
Québec – La récente décision du gouvernement du Québec de confier les postes de direction de la nouvelle agence Santé Québec à des chefs d’entreprise du secteur privé a suscité l’inquiétude des experts et du grand public. L’agence, qui chapeautera le système de santé public, sera dirigée par des personnes recommandées par d’autres chefs d’entreprise.
L’intention du gouvernement est de mettre en œuvre la vision du système de santé du monde des affaires, qui coïncide avec la sienne. Cette démarche rappelle les années 1980, lorsque le gouvernement avait confié à un comité de travail, dominé par des hommes d’affaires, la tâche d’évaluer les organisations gouvernementales, y compris le système de santé. Parmi les recommandations du comité figuraient la privatisation des hôpitaux et l’abolition des CLSC.
Les détracteurs de la nouvelle agence soutiennent que le secteur privé ne peut pas sauver le système public, étant donné son opposition historique à la création du système et ses efforts incessants pour l’éroder.
Le député du Pontiac, André Fortin, a critiqué les plans du ministre de la Santé, Christian Dubé, de créer l’Agence santé Québec, la qualifiant de « solution de fonctionnaire » qui permettra à M. Dubé de transférer la responsabilité des soins de santé à d’autres.
Les critiques de M. Fortin surviennent alors que M. Dubé laisse entendre qu’une case supplémentaire dans l’organigramme du ministère de la Santé contribuera à réduire les longs délais d’attente dans les salles d’urgence. M. Fortin a exprimé son désaccord avec cette suggestion et a également critiqué les autres propositions du gouvernement visant à améliorer le réseau de soins de santé. Selon M. Fortin, le gouvernement semble se concentrer sur la structure du réseau de santé plutôt que sur les soins aux patients, l’attraction des professionnels de la santé et l’assurance que les Québécois ont accès à des ressources adéquates lorsqu’ils ont besoin de soins médicaux.
Le Dr Alain Vadeboncoeur, médecin urgentiste canadien et communicateur scientifique, a récemment fait part de ses réflexions sur la nouvelle Agence santé Québec lors de son passage à l’émission Les débatteurs de Noovo. Selon le Dr Vadeboncoeur, l’agence n’est pas une société d’État distincte et relèvera directement du ministre de la santé, ce qui signifie qu’il ne s’agit pas d’une agence indépendante mais plutôt d’une centralisation. Il a également noté que l’agence semble se concentrer sur l’obtention de bons résultats par l’action et que cette approche peut présenter certains avantages. Le Dr Vadeboncoeur a ajouté que ce type de centralisation n’avait jamais été tenté auparavant et qu’il pourrait être intéressant d’essayer pour voir comment
cela fonctionne dans la pratique.
Le fait que le gouvernement ait choisi de faire appel à des entreprises comme IBM, Google, Energir, Pharmaprix et KPMG pour sauver le système public est inquiétant, mais pas surprenant, compte tenu de la composition actuelle du Cabinet. Anne Plourde, chercheuse à l’IRIS et auteure du livre Le privé, c’est mauvais pour la santé (Écosociété, 2021), prévient que les milieux d’affaires et leurs alliés politiques portent une responsabilité historique indéniable dans la dégradation des services publics de santé. La décision du gouvernement de confier la gestion de la nouvelle agence à des chefs d’entreprise soulève de sérieuses inquiétudes quant à l’avenir du système public de santé au Québec.