Allyson Beauregard
Allyson Beauregard
OUTAOUAIS – Le 17 novembre dernier, le Forestier en chef du Québec, Louis Pelletier, a dévoilé les plans de récolte de bois sur les terres publiques provinciales pour les années 2023 à 2028. Tous les cinq ans, le Forestier en chef détermine le volume annuel maximal de bois qui peut être récolté sur les forêts publiques du Québec pour chaque région et chaque espèce d’arbre.
Le nouveau plan entrera en vigueur en Outaouais le 1er avril 2023 et sa possibilité de coupe sera fixée à 4 151 700 mètres cubes de bois par année pour toutes les essences, ce qui représente une augmentation globale de 39 % par rapport à ce qui est actuellement permis.
En termes d’espèces, des diminutions de récolte sont prévues pour le cèdre (-52 %), la pruche (-39 %) et le pin blanc et rouge (-31 %), tandis que des augmentations sont prévues pour le SEPM (sapin, épinette, pin gris, mélèze – 6 %), le peuplier (100 %), le bouleau blanc (59 %), le bouleau jaune (18 %) et l’érable rouge et l’érable à sucre (14 %).
Le calcul de la coupe permise est basé sur des données d’inventaires forestiers récentes. Il tient également compte des informations sur l’état de la forêt, son évolution et son utilisation.
Des éléments spécifiques à la région de l’Outaouais ont été pris en compte : les inventaires forestiers récents ont révélé une augmentation plus importante de certaines essences, notamment le sapin; la stratégie de production de bois de la région inclut la gestion du hêtre américain dans les érablières; et la nécessité de récupérer les peupliers dépérissants.
« Le [plan] respecte la capacité de renouvellement de la forêt tout en maintenant l’ensemble des avantages environnementaux, sociaux et économiques qu’elle procure aux utilisateurs », a déclaré M. Pelletier.
Travaux sylvicoles requis
Les plans de coupe nécessitent également des travaux sylvicoles : reboisement, plantation, entretien des peuplements naturels et préparation du terrain. Ces travaux, qui font partie de la stratégie d’aménagement, bénéficient d’un budget annuel d’environ 25 millions de dollars.
La forêt de l’Outaouais couvre une superficie de 3 007 150 hectares, dont 33 % sont exclus de la récolte en raison des aires protégées et des milieux humides.
L’augmentation de la récolte est-elle positive ou négative?
Dans le Pontiac, 86,6 % des forêts sont publiques. Selon Jason Durand, directeur du territoire de la MRC de Pontiac, l’augmentation de la récolte de bois dans le Pontiac est à la fois une bonne et une mauvaise chose.
« À première vue, cette augmentation peut sembler être une bonne occasion d’affaires pour le Pontiac », a-t-il dit, en indiquant qu’elle peut stimuler l’économie (grand besoin
de main-d’œuvre locale et utilisation accrue des services locaux), permettre d’améliorer les routes et les infrastructures pour faciliter l’accès au bois et en faciliter le transport, et favoriser la réouverture de certaines zones du territoire qui sont moins accessibles.
Selon lui, cette augmentation peut toutefois entraîner des répercussions sur la forêt et ses usagers.
« Puisqu’il s’agit surtout d’une augmentation du volume de peupliers, de bouleaux blancs et de SEPM (sapins, épinettes, pins gris, mélèzes) qui pourra être récolté, de façon générale, lorsqu’on retrouve ces essences qui composent majoritairement les peuplements à aménager, ces derniers sont issus de coupes de régénération (communément appelées « coupes à blanc »).
Par conséquent, sur un certain laps de temps et en fonction de l’intensité et de l’agglomération des coupes, cela peut avoir un impact indésirable sur les paysages, sur certains habitats, sur la qualité de la pêche, de la chasse et du piégeage, ainsi que sur « l’expérience forestière » de certains usagers », a expliqué M. Durand.
« Il s’agit toujours d’avoir un équilibre entre l’exploitation forestière et les autres intérêts des usagers de la forêt », a-t-il ajouté.
Il invite les citoyens et les organisations à participer aux consultations publiques sur les PAFIO (Plan d’aménagement forestier intégré opérationnel) afin d’exprimer leurs préoccupations dans l’espoir qu’elles soient prises en considération par les aménagistes responsables de la planification forestière. Ces consultations ont lieu environ tous les deux ans et sont bien publicisées (journaux locaux, site Internet de la MRC, etc.).
Selon M. Durand, dans le Pontiac, la baisse des possibilités de récolte du pin blanc et du pin rouge se fera sans doute sentir chez les usines qui tentent de rouvrir leurs portes ou qui espèrent recevoir du gouvernement une nouvelle garantie d’approvisionnement pour ces types d’essences.
« Cependant, je crois que cette baisse est légitime.
En effet, plusieurs beaux peuplements de pins blancs résiduels se retrouvent dans des zones dont l’accès est difficile en plus d’être une essence qui se régénère difficilement », a-t-il déclaré au Journal.
En fin de compte, une augmentation de la récolte signifie inévitablement qu’une grande part du bois quittera la région, car les usines qui transforment ces essences sont situées l’extérieur du Pontiac.
« Évidemment, comme Pontissois, ça me fait toujours un petit pincement de voir du bois rond sortir du Pontiac. Par contre, les essences telles que le sapin, l’épinette, le bouleau blanc et le peuplier sont destinées à des usines performantes, bien établies, qui ont fait leurs preuves et dont la survie dépend d’une intégration du bois à l’échelle de l’Outaouais », a-t-il dit, en insistant sur l’importance d’appuyer les usines
existantes du Pontiac, surtout celles qui sont encore rattachées à des garanties d’approvisionnement (ex. : LCCPL Rapides).
M. Durand croit également que la région devrait se doter d’une usine qui pourrait transformer le bois de pâte de feuillus afin de répondre à un besoin d’intégration du bois et de l’aménagement forestier durable pour l’ensemble de l’Outaouais, tout en développant la main-d’œuvre locale.
« Actuellement, il manque beaucoup de main-d’œuvre et les compagnies manquent d’entrepreneurs pour approvisionner pleinement leurs usines. Il serait bon que des entrepreneurs locaux soient prêts à s’unir et à faire l’acquisition d’équipements forestiers (abatteuse, débardeur à grappin, ébrancheuse, etc.) pour tenter d’obtenir des contrats clé en main avec des entreprises bien établies. Cela permettrait au moins de développer une main-d’œuvre locale qualifiée et de faciliter l’intégration des jeunes qui sont intéressés par le domaine forestier. Si un ou plusieurs moulins venaient à rouvrir dans le Pontiac, nous disposerions déjà d’une main-d’œuvre locale », a-t-il conclu.