Dépôt nucléaire : le dernier recours judiciaire devant la Cour fédérale
Cathy Fox
Publié le 12 février 2025.
OTTAWA – Le dernier recours judiciaire contre le projet d’installation de gestion des déchets près de la surface (IGDPS) à Chalk River a été entendu par la Cour fédérale les
5 et 6 février. La Première Nation de Kebaowek, les Concerned Citizens of Renfrew County and Area, la Coalition canadienne pour la responsabilité nucléaire et le Sierra Club Canada soutiennent que le projet viole la Loi sur les espèces en péril (LEP).
Les demandeurs réclament un contrôle judiciaire pour déterminer si les Laboratoires nucléaires canadiens (LNC) ont obtenu à tort un permis leur permettant de nuire aux espèces en péril et de détruire leurs habitats. L’affaire a été plaidée par Nicholas Pope, un avocat d’Ottawa du cabinet Hameed Law. Les LNC et le gouvernement fédéral étaient représentés par le cabinet Cassels, Brock & Blackwell de Calgary et des avocats locaux du procureur général du Canada. Le juge Russel Zinn a présidé l’audience.
Contestation du permis
Les demandeurs soutiennent que le ministre fédéral de l’Environnement n’a pas respecté les exigences légales de la LEP en approuvant le permis. Ils affirment que les LNC n’ont pas étudié toutes les alternatives possibles pour l’emplacement de l’IGDPS, limitant leur analyse aux terrains qu’ils possédaient déjà. Parmi les trois sites étudiés, celui choisi représente le plus grand risque pour les espèces en péril.
Ils ajoutent que le ministre n’a pas justifié les mesures d’atténuation proposées et qu’il a ignoré la situation du papillon monarque, dont le statut a été modifié pour devenir une espèce en péril pendant le processus d’examen. De plus, ils affirment que la destruction des sites de nidification des chauves-souris hors saison a été approuvée sans véritable considération, malgré les conditions strictes imposées par la LEP pour l’octroi d’exemptions.
Examen des critères de sélection du site
Au cours de l’audience, le juge Zinn a demandé si d’autres sites alternatifs auraient dû être envisagés, étant donné que les risques liés au transport n’étaient pas la principale
préoccupation dans le cadre du permis accordé sous la LEP. Les trois critères de sélection des sites par LNC
• Le site devait être sous la supervision d’Énergie atomique du Canada limitée (EACL) pour répondre aux normes réglementaires internationales.
• Il devait être situé à proximité des déchets nucléaires existants afin de réduire les coûts de transport, puisque 90 % des matériaux destinés à l’élimination se
trouvent déjà à Chalk River.
• Il devait être suffisamment grand pour accueillir l’IGDPS, qui occuperait environ 1 % de la propriété.
Les LNC ont justifié leur choix en mettant de l’avant la réduction des coûts d’exploitation, plutôt que la minimisation des impacts sur les espèces en péril, pourtant l’objectif
principal du permis accordé sous la LEP.
Débat sur les impacts environnementaux
Les avocats des LNC ont fait valoir que des études menées par l’Université Trent répondaient aux préoccupations concernant les mesures d’atténuation. Ils ont aussi affirmé que les tortues mouchetées sont plus menacées par la circulation routière que par le site proposé pour l’IGDPS et qu’aucune preuve ne démontrait que les papillons monarques nichaient dans la zone concernée.
Les demandeurs ont rétorqué que les LNC n’avaient pas correctement étudié les alternatives raisonnables pour minimiser les impacts sur les espèces en péril. Ils ont souligné que le transport de 50 000 camions de déchets présente des risques, peu importe le site choisi, et que les mesures d’atténuation – comme les passages sécurisés, la sensibilisation des conducteurs et la manipulation sécuritaire – n’ont pas permis de réduire de manière significative les menaces pesant sur les tortues. Ils ont affirmé que la distance de transport ne devrait pas être le principal critère dans la sélection du site si l’objectif est de limiter les dommages écologiques.
En attente d’une décision
Ce recours judiciaire met en lumière les efforts continus des groupes environnementaux et autochtones pour protéger les écosystèmes contre les effets à long terme des déchets nucléaires. Bien que l’énergie nucléaire ait offert des avantages économiques et technologiques, les opposants rappellent que ce sont les générations futures qui en paieront le prix environnemental.
Le juge Zinn a déclaré que sa décision serait basée uniquement sur les preuves présentées en cour. Il a demandé à être informé des résultats de deux autres recours juridiques connexes si leurs verdicts étaient rendus avant qu’il ne tranche cette affaire. Il a également demandé comment ce procès pourrait affecter l’avancement du projet IGDPS et a été informé qu’un jugement favorable aux demandeurs pourrait entraîner des modifications aux conditions du permis.