Par souci d’intégrité, autant vous dire tout de suite que de ce site de déchets nucléaires à Chalk River, je n’en veux pas et je ne suis pas la seule. On pourrait se demander qui voudrait d’un site nucléaire chez soi. On pourrait se dire que, le site de Chalk River existant déjà, il n’y a pas de quoi en faire tout un plat. Si l’on veut nettoyer la planète, n’est-ce pas tout à notre honneur que de vouloir assumer nos déchets chez nous d’autant plus si ceux-ci sont radioactifs?
Au regard du passé, je ne suis pas sûre. Le 10 juillet 2021, Mélissa Guillemette publiait, dans Québec Science, un article sur « Les accidents nucléaires oubliés de Chalk River ». Y aurait-il des leçons à tirer du passé? Le 15 décembre 1952, une confusion entre deux des boutons (sur quatre) de la salle de contrôle entraîne le premier accident de Chalk River pour un réacteur, le NRX, qui vient à peine d’entrer en fonction (1947).
L’accident dure 62 secondes et la catastrophe nucléaire nationale est évitée. Mais le réacteur n’est plus étanche. La calandre, contaminée, est enterrée dans un endroit sablonneux, les chauffeurs de camion se relayant pour éviter une surexposition à la radioactivité. L’eau contaminée est drainée dans une zone sablonneuse où l’on prévoit qu’elle se décontamine. Sur une échelle de gravité allant de 1 à 7, cet accident est de niveau 5. À cette époque, Énergie atomique du Canada Limitée – une société d’état – juge opportun de se doter des services d’un professionnel en relations publiques. Quatorze mois plus tard, le réacteur reprend du service jusqu’en 1993.
À côté du NRX, le NRU, un deuxième réacteur, connaît aussi des ratés. En 1958, un an après son installation, survient un problème majeur forçant son arrêt. La salle du réacteur et d’autres parties du bâtiment sont contaminées. Le réacteur ferme pour 6 mois, puis reprend du service jusqu’en 2018. En 2021, les membres de l’équipe qui s’étaient portés volontaires pour nettoyer les lieux gagnaient leur procès. Si on ne reconnaît pas les dommages occasionnés sur leur santé, au moins on admet la valeur de leur travail; ça soigne l’image et ça coûte bien moins cher.
Aujourd’hui, les audiences publiques tenues par la Commission canadienne de sûreté nucléaire devraient nous rassurer. Pourtant, selon Gilles Provost, un ancien journaliste scientifique au Devoir et à l’émission « Découverte » de Radio-Canada, celle-ci défend davantage les intérêts de l’industrie nucléaire que ceux des citoyens. Moi, je me demande simplement ce que le prochain accident nucléaire nous réserve en termes de surprises et de jeux de relations publiques alors que des gens sont morts de ne pas avoir été assez informés et que d’autres se baignent avec insouciance dans la rivière des Outaouais.