Domanique Bowmans
Éditorialiste Invitée
Guest Editorialist
Domanique Bowmans
Éditorialiste Invitée
Guest Editorialist
L’Université d’Ottawa est bilingue. Si je regarde le nombre de cours en français qui sont offerts dans mon programme à l’heure actuelle, sur les 200 propositions d’activités, il y en a cent. Si je cherche les cours qui sont réellement offerts en français pour la prochaine session, ce nombre se réduit considérablement, limitant tout aussi considérablement mes choix, me forçant dès lors à me rabattre sur une offre moins alléchante en français ou à suivre mes cours en anglais. Mais l’Université d’Ottawa se dit bilingue.
L’Université Laurentienne est bilingue. Dès les tout débuts (1960), la volonté était de rassembler francophones et anglophones sous le même toit alors qu’en 1975 se hissait fièrement le drapeau franco-ontarien créé par deux des membres de l’institution. Pour la première fois, le gouvernement de l’Ontario acceptait l’enseignement officiel français dans une institution universitaire. Aujourd’hui, ce bastion de la francophonie ontarienne jette l’éponge et avec elle, 28 de ses programmes universitaires en français; accueillant moins d’étudiants, ils s’avèreraient trop coûteux. Mais l’Université Laurentienne se dit bilingue.
Le Pontiac est-il bilingue? Situé au cœur du Québec, le français devrait, sur le plan politique du moins, en constituer la langue de la majorité. Pourtant, sur les quelque 14000 personnes qui y résident, 40, 3 % sont francophones pour 56, 4 % d’anglophones. D’un point de vue strictement quantitatif, la langue française est ici
minoritaire par rapport à l’anglais. Une telle affirmation, en contexte québécois, provoque souvent quelques soubresauts de la part des communautés francophones du Québec, mais hors Québec également.
Dans nos écoles françaises, l’anglais est la langue maternelle de bon nombre d’élèves dont les familles anglophones défendent leurs droits de minorité linguistique et s’il n’est pas la langue première des francophones, il est souvent considéré comme telle par ces derniers qui le perçoivent comme une langue de prestige social et de pouvoir et qui l’utilisent en lieu et place du français instituant ainsi le statut de langue, si pas minoritaire, à tout le moins minoré de la langue française. Le Pontiac se dit bilingue, mais l’est-il vraiment quand les enfants, et leurs parents, choisissent de poursuivre leur éducation en anglais? L’est-il vraiment quand les anglophones qui se disent bilingues parlent anglais aux francophones qui n’ont pas le choix d’être bilingues?
On m’accusera sans doute de jeter de l’huile sur le feu, de soulever des tensions qui n’existent pas, d’être séparatiste, même si je ne le suis pas, d’être anglophone puisque j’étudie à Ottawa… Sur le plan linguistique, j’ai compris que, dans le Pontiac, cette région bilingue par excellence, il est difficile de s’affirmer quoi que ce soit. Je comprends parfois pourquoi les gens choisissent de parler cet entre-deux, source d’un compromis qui frise la compromission. Pour être réellement bilingue, il faut pouvoir être fier de l’une et de l’autre langues. Je ne sais pas si l’Université d’Ottawa est bilingue; je ne sais pas si l’Université Laurentienne est bilingue. Mais je sais que la coexistence de deux langues dans un même espace ne suffit pas. Je ne sais pas si le Pontiac est bilingue.