Les journaux d’ici et d’ailleurs utilisent encore souvent le terme « communauté internationale » pour représenter un groupe de pays exprimant une prise de position ou un jugement à l’encontre d’un ou plusieurs autres pays. Seulement en avril, le terme s’est par exemple retrouvé quinze fois dans les pages du Devoir, neuf fois dans celles du Journal de Montréal et une fois dans celles d’Acadie Nouvelle.
Le terme « communauté internationale », faut-il le rappeler, n’a pas de fondement juridique. Il ne regroupe ni l’ensemble des habitants de la planète, ni l’ensemble des pays du globe. Il est d’ailleurs insensé que ce terme, qui se veut par définition regrouper tous les pays ou tous les habitants de la planète, puisse servir à condamner, comme c’est souvent le cas, un pays ou un groupe de pays ou d’habitants qui font eux-mêmes partie de son entièreté. Imaginerions-nous par exemple, dans un groupe plus restreint, la France, l’Allemagne, l’Italie, la Suisse et l’Autriche réprimander politiquement l’Italie et la Suisse?
Sans compter que le mot « communauté », qui est un mot à connotation positive qui suggère l’intérêt commun de ses membres, est presque toujours utilisé ici de façon négative en mettant en opposition deux parties de son tout. La preuve, encore une fois, dans cet enchevêtrement decontradictions, que le ridicule ne tue pas!
Mais en fait, ce qui pose bien davantage problème, particulièrement en terme de communication et plus encore de désinformation, c’est qu’on ne sait jamais clairement quels pays sont ainsi compris dans cette supposée « communauté internationale » s’opposant à un pays ou à groupe de pays.
De notre point de vue occidental et à la lumière des textes dans lesquels on retrouve ce terme, il appert qu’il s’agit le plus souvent : soit des États-Unis et de ses États vassaux ou de ses alliés de circonstance, soit du G7 (dominé bien sûr par les États-Unis), soit des pays de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord, (l’OTAN, cette détestable organisation militaire, sous la coupe des États-Unis, qui sème la pagaille en Europe), soit parfois du G20, ou soit encore – plus rarement – des pays membres de l’Organisation des Nations unies (ONU), ce qui relève encore une fois de l’absurdité, puisque cette organisation regroupe essentiellement tous les pays du monde.
C’est probablement le linguiste et philosophe américain Noam Chomsky qui définit le mieux ce terme tel qu’il est utilisé dans nos journaux et par nos politiciens : « Lorsque le terme communauté internationale est utilisé en Occident, écrit-il, la communauté internationale désigne les États-Unis et quiconque va dans son sens. » Il arrive donc ainsi que cette soi-disant communauté internationale ne regroupe en fait… que les États-Unis.
Ne serait-t-il pas beaucoup plus honnête, de la part de nos journaux et des agences de presse, de toujours définir clairement à quels pays on fait précisément référence dans tel ou tel article? À titre d’exemple, une nouvelle comme « La communauté internationale a accusé l’Iran… » pourrait devenir en réalité : « Les États-Unis, la Grande-Bretagne, le Canada et Israël ont accusé l’Iran… ».
Il serait d’ailleurs intéressant, dans le cas qui suit, de connaître à qui l’on fait expressément référence quand on écrit « La communauté internationale demande à la Chine, à l’Inde et à d’autres pays de réduire… », cette « communauté internationale » n’incluant nécessairement pas ici ces deux pays, la Chine et l’Inde, qui sont les plus populeux de la planète, ni un certain nombre d’autres pays…
L’utilisation fréquente de ce terme imprécis – la communauté internationale – nous offre en fait une fausse image du monde. Elle est malhonnête et trompeuse et s’inscrit bien davantage dans une tentative de brouiller les pistes, de désinformation en somme, et de propagande, que de nous bien informer. Les journaux, qui ont mission de nous informer et de bien nous informer, devraient en prendre note!
Bruno Marquis,
Gatineau