J’aurais bien commencé l’année en abordant les perspectives pour les mois à venir… Mais l’actualité m’a rattrapé et ce début janvier est plutôt marqué par une immoralité latente. Je vais donc jouer au « père la pudeur », aussi grinçant et désagréable cela peut-il être.
Dès le 2 janvier, les 100 dirigeants d’entreprises les mieux payés au Canada avaient déjà touché au moins une année du salaire d’un-e Canadien-n-e moyen-n-e. Soit plus de 200 fois que ces travailleurs dont le revenu est autour de 53 000 $. En ce qui me concerne, j’en suis à gagner deux fois ce montant, et je suis « riche », objectivement et pour Revenu Canada : je me permets de ne pas vraiment regarder le prix des aliments à l’épicerie… Mais vous avez remarqué que j’ai employé le verbe « gagner », parce qu’en effet je travaille assez dur pour mériter ce salaire. Quid de ces grands patrons, dont le quotidien consiste à participer à des conseils d’administration, « impulser les politiques » de leur groupe ou « avoir une vision stratégique » ? Plusieurs remettent même en cause leur pertinence, au regard de leurs tâches effectives…
En tout cas, dans cette catégorie on place ces hautes personnalités du monde l’entreprise privée qui sont non seulement payés des millions pour leurs services à la tête de grandes entreprises, mais sont aussi très souvent comme « cul et chemise » (permettez-moi l’expression) avec nos dirigeants politiques. Oui, je sais, c’est très grave du point de vue éthique, c’est de la collusion ; nous, on parlerait tout simplement de « chums ». Par exemple, Justin Trudeau et Dominic Barton, ex-grand patron mondial de la firme de conseil McKinsey, sont chums. Si les images peuvent tromper (leur accolade en 2017), les actions ne trompent guère : après avoir chargé le cabinet-conseil dudit Barton de penser pour lui dans le domaine de la défense, de la santé (en pleine pandémie) ou de la politique énergétique (c.-à-d. exploitation des énergies fossiles), au coût de 66 millions de dollars en 7 ans (contre à peine plus de 2 millions en 9 ans pour les conservateurs), le gouvernement Trudeau lui a confié la présidence d’un comité consultatif d’économistes chargé de la « transformation » d’immigration Canada. Certes il y a des choses à changer, à repenser, mais confier cela — et tout le reste — à une entreprise privée transnationale qui travaille juste avec les plus offrants (Russes, Chinois, Français, Américains…) sans appel d’offres et de plus en plus souvent ? Il y a là un méchant conflit d’intérêts à travailler pour tant de pays si différents, sur des sujets aussi sensibles, non ? Ça ne vous choque pas ? L’idée des 450 000 immigrants par an pour combler la pénurie de travailleurs, c’est McKinsey ! Une gang de brillants experts qui, en échange d’une rétribution mirobolante, ont organisé une dizaine de présentations et rédigé deux ou trois rapports !
Cerise sur le sundae ! Pour récompenser Dominic Barton de ces bons et loyaux services, les libéraux de Trudeau n’ont pas hésité à lui offrir le poste d’ambassadeur du Canada en Chine entre 2019 et 2021, quand il a pris sa « retraite » de McKinsey. Il me semble qu’ailleurs dans le monde — et je ne veux pas jouer mon conservateur, je ne le suis certainement pas — la société civile aurait d’ores et déjà réclamé la démission du chef de l’état pour un tel scandale. Et l’aurait obtenue.