Mars est le mois de la francophonie canadienne ; le 21 mars, la Journée internationale de la Francophonie et, le 11 mars, l’anniversaire de la disparition du « père » de la Charte de la langue française (ou Loi 101), une initiative d’abord — et j’insiste là-dessus — culturelle. En 1984, le fameux livre blanc de Camille Laurin (et de Fernand Dumont, son principal rédacteur) relevait de la stratégie à long terme plutôt que de la tactique et juridique à court terme de la CAQ aujourd’hui avec sa loi 96.
Dernièrement, Statistiques Canada a publié ses plus récentes données à propos des langues maternelles au Canada. Admettons d’abord que cette question dépasse largement la dualité linguistique anglaise et française du pays. Le Canada est un pays multilingue. Et le Québec aussi ! Quand je regarde autour de moi, je vois une société plurielle, diversifiée, pas de doute. Malgré le nombre grandissant d’Ontariens anglophones qui prennent Outaouais comme un dortoir plus abordable, le facteur commun des Outaouais reste encore la langue française… Et à l’échelle de la province, ce phénomène n’est pas nouveau, même si la situation n’est pas non plus si ancienne : jusque dans les années 1970, l’immigration francophone est essentiellement européenne. Avant la Loi 101, 80 % des immigrants au Québec passaient à l’anglais ! Mais deux générations ont passé !
Reste que, quelle que soit l’importance démographique — et même historique — de langues telles que les langues chinoises, le pendjabi (en Colombie-Britannique et à Toronto) ou les langues autochtones, nous avons encore au Canada deux langues officielles, le français et l’anglais. Ramener le français à une langue, une culture comme les autres n’est rien d’autre que de l’assimilation. Si c’est ce que veulent certains, et bien, qu’ils aient le courage de se manifester !
Devant l’anglicisation rampante de la société québécoise, davantage dans les grands centres urbains, et surtout à Montréal, observons qu’il y a d’un côté ceux qui pensent que pour sauvegarder le français et la culture — même si elle est toujours en évolution et se nourrit d’influences extérieures — la seule solution est l’indépendance ; et de l’autre côté, ceux qui avancent que ce caractère distinctif du Québec pourrait s’épanouir au sein de la fédération, dans un Canada respectueux de ce dernier… Et puis, il y a ceux qui tentent de jouer sur les deux tableaux en flattant la « nation » tout en se subordonnant aux décisions d’Ottawa.
Quant à notre jeunesse, elle ne ressent pas cette urgence d’agir, parce que notre société mondialisée baragouine le « globish » et elle baigne dans des références culturelles et économiques anglophones, tout en jouissant du privilège de vivre en français, grâce à la loi 101, ironiquement !
Finalement, être Québécois ne signifie peut-être pas être unilingue francophone, contrairement à ce que déclare Elvis Gratton quand il peine à se définir, mais comment peut-on vivre en Outaouais, au Québec, et ignorer volontairement le français ? C’est un mystère auquel je me bute régulièrement.