À l’Hôpital du Pontiac un mois d’interruption en obstétrique – Un avenir plus heureux à l’unité d’obstétrique

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Allyson Beauregard

SHAWVILLE – Du 6 au 11 décembre, l’Hôpital communautaire du Pontiac (HCP) a connu sa dixième interruption de service de l’année à l’unité d’obstétrique (OBS), en raison du manque de personnel infirmier.

Allyson Beauregard

SHAWVILLE – Du 6 au 11 décembre, l’Hôpital communautaire du Pontiac (HCP) a connu sa dixième interruption de service de l’année à l’unité d’obstétrique (OBS), en raison du manque de personnel infirmier.
Le 12 décembre dernier, Marie-Ève Cloutier, directrice des soins infirmiers du Centre intégré de santé et des services sociaux de l’Outaouais (CISSSO), a tenu une conférence de presse à Gatineau pour faire le point sur la situation à HCP, où elle a annoncé que l’unité allait subir sa onzième interruption, du 13 décembre au 3 janvier.  
« Le CISSSO est déterminée à maintenir ce service, mais pour prendre soin du personnel, nous n’avions pas d’autre choix que de faire une pause pour permettre aux équipes de reprendre leur souffle… c’est une décision difficile, et nous sommes conscients de l’impact que cela a sur les femmes enceintes. Nous nous efforçons de stabiliser la situation le plus rapidement possible, » a déclaré Mme Cloutier. 
La conférence de presse a eu lieu quelques heures après la publication d’un reportage sur une famille qui a perdu son bébé de trois jours à la suite d’un accouchement d’urgence à l’HCP en septembre. La mère, Anik Lavigne, de Mansfield, a subi une césarienne d’urgence à l’HCP après des jours de douleurs abdominales et de saignements, bien qu’on lui ait dit lors de multiples consultations que les symptômes étaient normaux. La famille croit que le bébé aurait pu survivre s’il était né dans un autre hôpital avec des spécialistes sur place pour des soins plus rapides. 
La famille a déposé une plainte auprès du CISSSO et du Collège des médecins et le décès fait actuellement l’objet d’une enquête du coroner de l’Ontario parce que le bébé a été transféré au CHEO à Ottawa, où il est décédé par asphyxie suite à une rupture placentaire.
Selon Mme Cloutier, la tragédie ne s’est pas produite lors d’une interruption de
service et ce sont des “employés très compétents” qui ont prodigué les soins.
Un avenir meilleur ?
Bien que l’OBS de l’hôpital semble avoir connu beaucoup d’instabilité ces derniers mois, la Dre Genevieve Smith, l’une des cinq médecins de l’unité, est d’avis que la situation « n’est pas aussi mauvaise qu’il n’y paraît ». Elle se dit optimiste que la nouvelle année commencera sous de meilleurs auspices.
Alors que l’OBS devrait compter douze infirmières pour offrir un service complet, il n’y en a actuellement que cinq.
Au total, elles ont fait près de 600 heures supplémentaires en août et en septembre.
Deux infirmières de l’Hôpital général juif du Centre-Ouest-de-l’Île-de-Montréal sont venues prêter main-forte à l’OBS en novembre et une équipe de sages-femmes de
la Maison de Naissance de l’Outaouais ont permis d’éviter un bris de service d’un mois cet automne.
Le mois dernier, une infirmière de l’OBS a parlé anonymement de la situation
à l’hôpital, affirmant que la pénurie persistante de personnel met les mères et les
bébés en danger et affecte sérieusement la santé mentale du peu de personnel qui reste. La ministre de la Santé du Québec, Danielle McCann, avait alors répondu que la sécurité des mères et des nouveau-nés serait réévaluée à l’hôpital.
Selon la Dre Smith, ce témoignage ne décrit pas le sentiment général à l’hôpital.
« En général, le sentiment ici est positif. Tout le monde ressent la pression [du manque de personnel], mais tout le monde s’y met et se mobilise pour que cela
fonctionne », a-t-elle dit.
Pendant les interruptions de service, les femmes en travail sont évaluées à ll’HCP avant leur transfert à l’hôpital de Gatineau. Pour les naissances imminentes, le bébé est mis au monde sur place, mais la mère et le bébé sont par la suite transférés à Gatineau pour des soins post-partum.
L’aide est en route
Mme McCann a annoncé que deux infirmières de l’OBS commenceront à travailler à l’hôpital après les Fêtes, et la Dre Smith a ajouté qu’une troisième infirmière se joindra à l’équipe au début de la nouvelle année, portant le nombre total d’infirmières de l’unité à huit.
La nouvelle que deux des cinq médecins qui forment l’équipe d’accouchement de HCP quitteront à la fin de l’année a causé encore plus de stress. Le CISSSO a dû se démener pour trouver des remplaçants puisque leur horaire n’était initialement couvert que jusqu’à la fin janvier. Toutefois, la Dre Smith a indiqué qu’un médecin local retournera à l’unité OBS jusqu’à ce que des remplaçants soient embauchés et que les horaires soient couverts jusqu’à l’été.
« Nous ne nous sentons plus si mal et nous continuons à recruter activement », a-t-elle déclaré au Journal.
Un nouveau partenariat potentiel
Le partenariat d’un mois avec la Maison de naissance cet automne pourrait mener à la présence permanente des sages-femmes à Shawville.
« Les sages-femmes souhaitent pratiquer à Shawville et il y aura une réunion au début de l’année prochaine pour discuter de cette possibilité. Le mois qu’elles ont passé ici a certainement été une expérience positive, mais il y a
des choses à régler », a dit la Dre Smith.
Actuellement, les sages-femmes accouchent à la Maison de naissance à Gatineau ou à l’hôpital de Gatineau.
L’équipe « SWAT » mobilisée
Le HCP a également connu trois bris de services en chirurgie générale cette année, ce qui a eu des répercussions sur les services d’obstétrique et a mené au transfert des femmes enceintes lorsqu’une césarienne s’avérait nécessaire.
Le 28 novembre, Mme McCann a annoncé que le gouvernement avait signé une entente avec la Fédération des médecins spécialistes du Québec afin d’assurer la continuité du service d’obstétrique et de chirurgie en milieu rural. Une équipe « SWAT », composée de médecins, se rend ainsi dans différentes régions depuis le 1er décembre pour couvrir les quarts de travail. L’entente n’améliorera toutefois pas la pénurie de personnel infirmier.
Le député de Pontiac, André Fortin, est déçu du retard dans la signature de l’entente.
« Au cours de l’année écoulée, j’ai personnellement posé 21 questions à l’Assemblée pour encourager la ministre à signer cette entente. En mars, elle a dit qu’elle serait signée dans les prochains jours. 250 jours plus tard, c’est finalement le cas. Il est dommage qu’il ait fallu autant de temps, car les patients ont été mis en danger. Dans Charlevoix, une femme a accouché dans sa voiture parce qu’elle avait dû se rendre à un hôpital urbain à des heures de route »,
a-t-il ajouté.
Dans le Pontiac, un bébé a été mis au monde dans une ambulance en route
vers l’hôpital alors qu’on se demandait si l’unité d’obstétrique de l’HCP était ouverte ou non.
Communication nécessaire
Selon un médecin anonyme de HCP, la situation actuelle exige une communication accrue entre les différents services ainsi qu’avec le CISSSO, ce qui n’est pas suffisamment fait.  
« Personne ne s’est assis avec toute l’équipe pour réfléchir à ce qui peut être fait pour [améliorer la situation]. Je pense que c’est un échec. Le CISSSO donne l’impression que la situation est maîtrisée, mais c’est loin d’être vrai », a -t-il déclaré.
« Dans cette situation, vous devez vous demander comment [les accouchements imprévus seront traités] et ce qu’il faut faire si quelqu’un se présente à
l’urgence lorsque l’unité OBS est fermée. Le CISSSO affirme que les médecins des urgences sont qualifiés pour accoucher, mais beaucoup n’ont pas fait d’obstétrique récemment et il n’y a pas de programme pour leur apprendre à s’en occuper si cela se produisait… Il n’y a eu essentiellement aucune communication du côté médical du CISSSO sur la façon de gérer tout cela ou comment ils peuvent nous appuyer », explique ce médecin.
Il souligne que dans les hôpitaux ruraux, une approche d’équipe impliquant médecins, infirmières, chirurgiens, anesthésiologistes, salles d’urgence, etc., est nécessaire, particulièrement en obstétrique, car chaque service est
interdépendant.
Selon lui, avant la création du CISSSO, tous les départements de l’hôpital étaient intégrés sous un seul département principal, ce qui facilitait la communication. Maintenant, ce sont des entités distinctes qui se relaient à Gatineau. 
« Il n’y a pas de communication horizontale, seulement des silos de responsabilités. Cela ne signifie pas qu’il faille faire preuve de fonctionnalité dans une approche d’équipe. La bureaucratie a entravé la coopération au lieu de la faciliter », a-t-il conclu.
Solutions disponibles
Selon le député Fortin, des solutions sont sur la table pour remédier à la pénurie de personnel infirmier et le gouvernement (CAQ) n’a qu’à y remédier : l’amélioration des ratios de soins aux patients pour les infirmières et les aides-soignants, la fin des heures supplémentaires forcées (ce que le CAQ a promis de faire dans l’année suivant les élections) et de meilleurs salaires pour les infirmières de l’Outaouais, en particulier.
« Ces mesures contribueraient à rendre la profession plus intéressante et attrayante. Pour régler les problèmes de maintien en poste du personnel, il faut que le salaire des infirmières de l’Ontario et du Québec soit comparable », a conclu
M. Fortin.