Le gouvernement de la CAQ annonce une « petite révolution » pour remédier à la pénurie de personnel infirmier

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Allyson Beauregard

QUÉBEC – Le 23 septembre, le premier ministre du Québec, François Legault, a annoncé que la province entreprenait une « petite révolution dans la gestion du réseau de la santé » pour remédier à la pénurie d’infirmières qui sévit dans la province. Au coût total approximatif d’un milliard de dollars, des primes forfaitaires pouvant atteindre 18 000 $ seront octroyées aux infirmières pour les inciter à rester dans le secteur public de la santé au Québec, aux infirmières à temps partiel qui accepteront de travailler à temps plein, et aux infirmières à la retraite ou du secteur privé qui reviendront prêter main forte au système public.
« Depuis plusieurs années, nous avons d’énormes problèmes d’organisation dans le réseau de la santé. Et ces problèmes se sont aggravés avec la pandémie, comme partout ailleurs dans le monde », a déclaré M. Legault.
Les infirmières qui travaillent à temps plein dans le système public recevront une prime unique de 15 000 $ et celles qui travaillent à temps partiel recevront 15 000 $ si elles acceptent de travailler à temps plein. Dans les régions où la pénurie d’infirmières est la plus criante (Outaouais, Abitibi-Témiscamingue, Côte-Nord, Nord-du-Québec et Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine), une prime de 18 000 $ sera versée aux infirmières qui accepteront de travailler à temps plein.
Les infirmières à la retraite ou celles qui ont quitté le navire pour le secteur privé recevront 12 000 $ pour revenir à temps plein dans le système public. Dans les cinq régions déjà citées, cette prime s’élèvera à 15 000 $.
Certains syndicats ont critiqué cette annonce, en affirmant que l’argent n’est qu’une partie du problème. Selon ces syndicats, les conditions de travail, notamment l’obligation des heures supplémentaires, expliqueraient le départ de nombreuses infirmières du système public de santé québécois. En Ontario, les infirmières gagnent environ 20 000 $ de plus par année pour le même travail.
Dans un message en ligne, M. Legault a déclaré que la grande priorité de cette « révolution » est d’offrir aux infirmières et aux infirmières auxiliaires un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie privée et des horaires stables, mais que la dotation en personnel doit d’abord être améliorée pour régler ces problèmes.
« Je sais que la chose la plus importante pour les infirmières n’est pas l’argent, c’est d’avoir une vie "normale". Nous allons donc procéder à une réorganisation majeure du travail. Nous avons conclu de nouvelles conventions collectives avec les syndicats qui nous aideront à le faire », a-t-il écrit, en indiquant que des agents administratifs seront embauchés pour alléger la charge de travail administratif des infirmières, qui peuvent passer jusqu’à 30 % de leur temps à remplir de la paperasse. Le recrutement d’infirmières à l’extérieur du Québec et l’accélération de la formation des infirmières
auxiliaires font également partie du plan d’action du gouvernement.
« Avec toutes ces mesures, nous réduirons considérablement le recours aux heures supplémentaires obligatoires et aux agences de placement privées », a-t-il ajouté.
La préfète de la MRC de Pontiac, Jane Toller, a réagi positivement à la nouvelle. Elle a indiqué qu’un comité de la MRC a rencontré régulièrement le CISSSO au sujet de la fermeture du service d’obstétrique de l’Hôpital communautaire du Pontiac, causée principalement par un manque de personnel infirmier.
« Nous sommes en concurrence directe avec l’Ontario, où ils paient 10 $ de plus par heure », a-t-elle dit. « Nous avons pensé à mettre en place un [programme] pilote pour répondre uniquement aux besoins du Pontiac, mais comme il y a une convention collective en cours, les mesures prises par le premier ministre sont très sages, car plutôt que d’attendre l’été prochain pour que le tout soit ratifié, nous pouvons aller de l’avant dès maintenant avec une prime d’embauche. »
Le député du Pontiac, André Fortin, demande depuis longtemps que les salaires des infirmières soient égaux à ceux de l’Ontario et il se dit heureux de voir que les infirmières vont recevoir des fonds supplémentaires.
« Elles méritent chaque cent », a-t-il dit. Selon lui, cette méthode d’attraction et de rétention manque toutefois de vision à plus long terme.
« Déjà, de nombreuses infirmières et leurs syndicats ont dénoncé le fait qu’un paiement unique ne convaincra pas les infirmières qui sont parties de revenir, ni les infirmières à temps partiel de passer à temps plein », a-t-il déclaré au Journal, en expliquant qu’il y a deux choses à faire pour convaincre les infirmières de revenir au Québec.  
« Premièrement, mettez une date de fin aux heures supplémentaires obligatoires. C’est la raison pour laquelle de nombreuses infirmières ont choisi de quitter. Tant que le gouvernement n’annoncera pas une date à laquelle cela cessera, il sera difficile de convaincre les infirmières que les conditions de travail se sont améliorées et de revenir. Deuxièmement, les salaires [annuels] sont tellement meilleurs en Ontario qu’il sera difficile de les convaincre de revenir avec un paiement forfaitaire unique », a-t-il ajouté.
M. Fortin compatit avec les autres professionnels – techniciens de laboratoire, travailleurs sociaux, etc. – car ils n’ont rien reçu bien qu’ils soient tout aussi essentiels au système de santé. « Il est compréhensible qu’ils se sentent insultés et qu’ils croient qu’on leur ment. Beaucoup de ces professions connaissent également une grave pénurie », a-t-il déclaré.
« J’espère que le gouvernement a d’autres solutions plus durables à proposer (comme celles mentionnées) pour garantir le retour des services sans les fermetures répétitives auxquelles nous avons assisté ces dernières semaines et ces derniers mois », a-t-il conclu.