Le cas de l’enseignante de Chelsea …

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Fred Ryan
Éditorialiste Invitée
Guest Editorialist

Nous avons trouvé une alternative pour nous plaindre de la Covid :
"Une enseignante de Chelsea renvoyée pour tenue religieuse !". Cet incident ne manque pas d’agiter les imaginations.  

Fred Ryan
Éditorialiste Invitée
Guest Editorialist

Nous avons trouvé une alternative pour nous plaindre de la Covid :
"Une enseignante de Chelsea renvoyée pour tenue religieuse !". Cet incident ne manque pas d’agiter les imaginations.  
Il y a trois ans, l’Assemblée nationale a adopté le projet de loi 21 à la majorité des voix. Il s’agit d’une tentative de renforcer la séparation de l’Église et de l’État (laïcité), un élément vital de toute démocratie. Et il s’agit d’une loi, pas d’une proposition, avec trois choses à retenir : 1) cette loi s’applique à tous les symboles religieux : crucifix, hijab, yarmulka, même les blouses jaunes des bouddhistes ; 2) cette loi n’est pas une attaque contre la "liberté de religion" mais une limitation de l’utilisation des symboles religieux par les fonctionnaires ; 3) la loi ne s’applique qu’à ceux qui ont une autorité morale au sein du gouvernement. La plupart des fonctionnaires peuvent porter ce qu’ils souhaitent.
Dans les explications sur le cas de l’enseignante de Chelsea, ces trois points sont ignorés. On nous fait croire que la loi 21 ne "cible" que les musulmans et les "minorités défavorisées", et qu’elle s’applique à tous les membres du gouvernement. Un auteur du  quotidien Le Droit a suggéré que les chauffeurs de bus scolaires seront obligés d’enlever leur kirpan (poignards) … ou leur voile.  
Les opposants prétendent défendre la "liberté de religion". Mais depuis quand le port de certains vêtements est-il fondamental pour la croyance religieuse ? Il s’agit de règles vestimentaires – comme les uniformes scolaires – qui doivent servir de support à l’observance religieuse. Font-elles vraiment partie de nos relations fondamentales avec le Créateur de l’Univers ? Dieu se préoccupe-t-il vraiment de ce que nous portons ? Et dans quels textes fondateurs d’une religion les règlements vestimentaires sont-ils un élément fondateur de cette religion ? Ne sont-ils pas plutôt des expressions personnelles ou sociales de nos
croyances religieuses ou de notre appartenance à une secte ? Où Dieu a-t-il dit qu’il voulait que nous soyons voilés, armés d’un poignard ou que nous portions un gros crucifix en or ?   
Ceci est également fondamental : La Loi 21 a trois ans. Tout le monde au Québec en a entendu parler – prétendre le contraire, c’est admettre son ignorance de l’actualité. Ce ne sont pas des qualités que l’on attend des enseignants ou de tout autre fonctionnaire. C’est certainement le cas de la commission scolaire qui a embauché cette enseignante. Nous devons donc supposer qu’il s’agissait d’un test déguisé.  Mais l’honnêteté n’est-elle pas également un élément de toute religion ? Il s’agit d’un test politique.
La liberté de religion est la liberté de croire ce que l’on veut … et la liberté de pratiquer ces croyances, lorsqu’elles ne contreviennent pas à la loi civile. Qui serait à l’aise si l’enseignant de son enfant portait des messages sataniques sur sa chemise ? Serions-nous à l’aise avec un policier portant des tatouages nazis ?
Tous les droits et libertés ont des limites, même la liberté d’expression : on ne crie pas "Au feu !" dans un théâtre bondé.
Une personne investie d’une autorité morale (enseignant, policier, juge) n’a pas la "liberté" de faire de la publicité ou de la promotion pour ses croyances dans l’exercice de ses fonctions. Nous pouvons porter ce que nous voulons en privé ; cette ancienne enseignante peut porter ce qu’elle veut chez elle ou lorsqu’elle n’est pas en service. Ses croyances ne sont pas remises en cause ici.
Trouver un équilibre entre les droits individuels et les obligations de la communauté est difficile et souvent litigieux, mais cela doit être fait. Le Québec s’y efforce. D’autres juridictions peuvent prétendre séparer l’Église et l’État, mais s’il n’y a aucun moyen de le faire, cela ne se produira pas. Les religions ont toutes fait preuve d’intolérance à l’égard des autres et d’une détermination à imposer leurs croyances – quand elles le peuvent. Regardez la croisade religieuse actuelle pour interdire l’avortement aux États-Unis. Avec une majorité à leur Cour Suprême, et aucun engagement vivant à la laïcité, ils réussissent. Le Québec a raison de ne pas s’engager dans cette voie.
Que diriez-vous d’une contribution positive sur la façon d’équilibrer les croyances individuelles avec les droits et libertés de la communauté ? Le "tout est permis" n’est pas une option responsable.