La CAQ présente une révision majeure de la loi 101

0
247

Allyson Beauregard

QUÉBEC – Après des mois de discussions, le gouvernement de la Coalition Avenir Québec (CAQ) a déposé le 13 mai dernier le projet de loi 96, qui modifie certaines parties de la loi 101 – la Charte de la langue française du Québec. Son objectif est de protéger et de renforcer la langue française après que des études de l’Office québécois de la langue française (OQLF) aient suggéré que le français est en déclin dans la province.
S’il est adopté, le projet de loi contient un certain nombre de mesures, notamment : modifier la Constitution canadienne pour que le français soit reconnu comme la seule langue officielle au Québec ; exiger que toutes les enseignes commerciales soient majoritairement en français ; appliquer les dispositions de la loi 101 aux lieux de travail fédéraux et aux petites entreprises comptant entre 25 et 49 employés plutôt que 50+ (la langue de travail, l’affichage et les procédures doivent être en français avec des inspections de l’OQLF) ; plafonner à 17,5 % le nombre d’étudiants francophones dans les cégeps anglophones ; créer un ministère de la langue française ; et créer une commission de la langue française, renforcer le rôle de l’OQLF et supprimer le statut bilingue des municipalités si moins de 50 % des résidents ont l’anglais comme langue maternelle (les municipalités peuvent toutefois adopter des résolutions pour le conserver).
Depuis son adoption en 1977, la Loi 101 a été modifiée plus de six fois, chaque modification étant controversée. Pour protéger la Loi 96 contre les contestations fondées sur la Charte, la CAQ invoque la clause dérogatoire, qui lui permet de passer outre certains droits garantis par la Charte canadienne des droits et libertés.
Une vaste consultation sur le projet de loi aura lieu cet automne. « Le projet de loi doit encore être débattu à l’Assemblée nationale et peut être modifié de façon substantielle avant d’être adopté », a déclaré le député du Pontiac André Fortin, notant que le Premier Ministre Legault a dit qu’il espérait adopter le projet de loi d’ici Noël.
M. Fortin a déclaré que le projet de loi n’est pas tout à fait clair et qu’il attend avec impatience les débats pour obtenir des éclaircissements. « Il y a un certain nombre de [mesures] dont il faut s’inquiéter et sur lesquelles il faut garder un œil »,
a-t-il ajouté. 
Le statut bilingue
Le statut bilingue permet aux municipalités d’offrir des services aux citoyens en anglais : factures de taxes, panneaux, bulletins, etc. bilingues.
« Elles ne seraient plus obligées de communiquer en français et en anglais aux citoyens. Cela pourrait signifier un accès moindre et restreint à l’information municipale pour les résidents », a expliqué M. Fortin, notant que plusieurs municipalités du Pontiac ont le statut bilingue, mais que la seule qui compte moins de 50 % de population anglophone est la Municipalité de Pontiac.
Selon Joanne Labadie, maire de Pontiac, en 2016, la population de la municipalité était de 5 835 personnes : 2 250 citoyens anglophones (38,56 %),
3 240 francophones (55,53 %) et 185 autres (3,17 %). 
« La perte du statut bilingue aurait un impact sérieux sur les résidents anglophones de notre communauté, en particulier les personnes âgées qui ne maîtrisent peut-être pas bien les technologies pour aider à la traduction. Cela aurait également un impact sur le tourisme local et sur nos résidents d’été qui sont pour la plupart des non-Québécois », a déclaré Mme Labadie, notant que cela ajouterait également un fardeau supplémentaire à une équipe municipale
déjà en sous-effectif qui passerait plus de temps à expliquer les documents
et la correspondance aux résidents.
Selon Mme Labadie, le Conseil devra d’abord examiner les détails du
projet de loi pour déterminer ce qu’il fera s’il est adopté. « Pourquoi enlever des droits pour que les municipalités demandent à les récupérer ? Il semble qu’ils essaient de repousser la controverse sur les gouvernements locaux des communautés anglaises, en se déchargeant de toute responsabilité. Cela me semble machiavélique : le diable est dans les détails », a-t-elle déclaré au Journal.  
M. Fortin est d’accord : « Cela va créer des tensions autour des tables du Conseil. Cela va créer des divisions et ce n’est pas ce dont nous avons besoin en ce moment ».
Seulement le français pour les entreprises
En plus de tous les changements apportés par la loi 101, à partir de 2022, le gouvernement et ses affiliés devront communiquer avec les entreprises et les autres administrations (municipalités, organismes de santé et de services
sociaux, établissements d’enseignement, etc.) en français seulement. Pour ce faire, le gouvernement adoptera la loi 104 – Loi modifiant la Charte de la langue française – que le PQ a adoptée en 2002, mais qu’aucun gouvernement n’a utilisée depuis.
« Cela aura des impacts majeurs. Toutes les entreprises, des producteurs laitiers aux restaurants en passant par les propriétaires de stations-service, ne pourront communiquer avec le gouvernement du Québec qu’en français », a déclaré M. Fortin.
Mme Labadie craint que les règles n’entraînent la perte d’entreprises locales alors que l’attraction et le développement économique sont déjà difficiles.
« Un certain nombre de nos entreprises locales sont déjà aux prises avec les charges administratives et les coûts supplémentaires associés à la documentation, à la traduction et au respect des lois linguistiques, alors que leur clientèle peut se trouver à l’extérieur du Québec. Je crains que certaines d’entre elles ne choisissent de quitter le Québec lorsque les charges et les coûts supplémentaires liés au fonctionnement uniquement en français deviendront trop importants », a-t-elle conclu.