Cessons de « découvrir » pour mieux « explorer »

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L’idée que quelqu’un, en 2024, puisse « découvrir » une région laisse franchement perplexe. C’est un fait désormais connu que ni Colomb ni Champlain n’ont découvert quoi que ce soit lorsqu’ils ont accosté sur ce continent. Les gens vivaient ici et savaient qu’ils existaient. Avec la vie quotidienne vient la réalité de l’existence. Aucune découverte à l’horizon, à moins qu’un remède inconnu contre le scorbut n’ait été découvert – à bien y penser, non, c’était aussi une chose connue des gens qui vivaient au quotidien sans scorbut.

Alors comment de nouveaux promoteurs touristiques pourraient-ils avoir
« découvert » ce même territoire? Encore une fois, les gens vivent ici et beaucoup
de touristes y viennent, mais il n’y a rien de nouveau à découvrir, au sens littéral du terme.

La magie des voyages, c’est d’expérimenter de nouvelles choses, d’explorer de nouveaux lieux, de se sentir plus vivant grâce à de nouvelles sensations. Mais qualifier l’expérience de « découverte » revient à se regarder le nombril et à revendiquer une activité
progressive. Les touristes affluent dans les villes anciennes pour découvrir le fruit du talent de nombreuses générations. Et lorsqu’un touriste dans une ville ancienne, disons Istanbul ou Rome, aperçoit, au détour d’une rue, une place où se dresse  une église rustique flanquée d’un joli café, prétend-il avoir « découvert » l’endroit?

D’autres touristes réservent des sites de camping le long de la côte de la Colombie-Britannique pour observer paisiblement des groupes de baleines qui s’alimentent. Là encore, aucune découverte ici – même si le touriste peut avoir l’impression que personne n’a jamais vu un baleineau se blottir contre sa mère de cette façon unique. Seul un colonisateur des années 1600 aurait l’audace inculte de prétendre à la « découverte »
de ce comportement des cétacés.

Sachant tout cela, avec l’éducation évoluée d’aujourd’hui, pourquoi tant de dépliants touristiques, d’influenceurs sur les médias sociaux et d’éditeurs de journal vidéo (appelés vlogueurs) dépeignent-ils un sentiment de découverte de nouvelles terres, d’aventurier? Ces propos laissent un goût amer dans la bouche de nombreuses personnes qui les lisent, insultées par l’emploi de termes colonisateurs pour décrire des endroits comme le Pontiac, que les colonisateurs européens ont si négativement affectés. Le Pontiac est depuis longtemps une destination favorite de la « découverte » urbaine. Juste au cours de la dernière saison touristique, voir les jeunes gens innocents partir à l’aventure était comme essayer de ne pas regarder un accident de voiture. Les promoteurs touristiques qui ciblent ce public sont tout sourire, se réjouissant de la bonne affaire pour l’entreprise. Ce
sont plutôt les Pontissois qui détournent maladroitement le regard lorsque des champs verdoyants sont « découverts » par des jeunots innocents qui ne savent pas mieux.