La laïcité ou la surveillance?

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L’époque où l’Église catholique exerçait un contrôle étouffant sur la société québécoise est bel et bien révolue — et avec raison. Pourtant, ce chapitre sert encore de justification au gouvernement de la CAQ, comme si le Québec devait indéfiniment se protéger
d’un retour à l’obéissance religieuse. On nous explique que la neutralité exige la restriction, que l’État doit limiter l’expression religieuse dans les lieux publics pour préserver la liberté collective. Mais quel est l’effet réel de cette logique? À bien des égards, elle rappelle une
version plus subtile, moins bruyante du tristement célèbre « speak white ».

Dans les années 1950, 60 et 70, il était légitime et nécessaire de s’unir pour réduire l’influence excessive de l’Église. Ce travail a porté fruit. Le Québec est devenu un lieu de pensée critique, d’ouverture et de diversité culturelle. Pourtant aujourd’hui, le pendule — devenu enfin libre — semble revenir trop loin dans l’autre direction, au point où la laïcité rigoureuse commence à frôler l’intolérance. Quand la protection d’une société bascule-t-elle vers la surveillance de ses citoyens?

Cette semaine, le gouvernement a resserré la Loi sur la laïcité en interdisant symboles religieux, vêtements et pratiques culturelles associées aux croyances. Un nouveau poste d’« inspecteur religieux » permettrait même aux autorités d’entrer dans certaines garderies en milieu familial pour scruter nourriture, vêtements et décor
à la recherche de signes de foi. Plutôt que de renforcer la confiance, une telle approche risque de créer un climat de dénonciation — voisins observant voisins, employés publics évalués sur l’apparence plutôt que sur la compétence.

Pour le Pontiac, l’idée que des fonds publics soient consacrés à vérifier la présence d’un crucifix dans une garderie ressemble à une gifle. La région fait face à un manque criant de médecins, d’infirmières, d’oncologues, de chirurgiens, d’anesthésiologistes, de physiologistes — et ce ne sont pas les
symboles religieux qui nuisent à nos services. Alors, à qui profite réellement cette croisade?

Le décalage entre ces mesures et le discours de Jean-François Roberge rappelle étrangement l’autoritarisme religieux des années 1930 qu’il prétend combattre. On impose la conformité sous prétexte de neutralité, on défend la majorité au détriment de la nuance.

Roberge dit vouloir protéger « les plus vulnérables ». Or protéger signifie élever, non réduire. Un Québec fort est un Québec qui respecte ses différences. Pour bâtir un système de santé, d’éducation et de services publics efficace, il faut embaucher les meilleurs — qu’ils portent une kippa, un kilt, une croix ou un kimono. Une société saine repose sur l’intégrité, la compétence et la compassion. Enseignons à nos enfants à célébrer la pluralité plutôt qu’à la craindre, si nous voulons éviter de répéter l’Histoire.