Un plan qui fera perdre 30 médecins à l’Outaouais peut-il vraiment être considéré comme un progrès ? L’Assemblée nationale du Québec a adopté à la hâte une loi modifiant la rémunération des médecins de famille. Présenté en mai, le projet de loi 106 a été déposé le 24 octobre et adopté en moins de vingt-quatre heures, sans véritable débat.
Quel élu souhaite être associé à une mesure réduisant encore davantage l’accès aux médecins ? Pourtant, c’est ce que cette loi semble provoquer. L’objectif annoncé du projet de loi 106 est de moderniser la rémunération : unmélange de paiement par patient, selon le type de patient et le temps passé avec chacun.
À première vue, demander aux médecins de famille de prendre plus de patients pourrait sembler logique pour réduire le nombre de patients dits « orphelins ». Mais pour les médecins, c’est une insulte. Déjà débordés et accablés de tâches administratives, ils jugent irréaliste de soigner plus de personnes sans ressources supplémentaires.
Pendant des décennies, les médecins de famille au Québec ont travaillé ensemble au sein des GMF — Groupes de médecine familiale — un modèle favorisant la collaboration et la continuité des soins. Les médecins y partageaient les dossiers des patients, coordonnaient
leurs horaires et offraient des rendez-vous le jour même. Habituellement, un médecin était disponible pour les consultations du soir, de 17 h à 21 h, avec une ligne d’appel ouverte dès 15 h.
Ce système, efficace a maintenant été démantelé. Le gouvernement le jugeait trop complexe à gérer sous la nouvelle formule de rémunération. Résultat : les patients perdent la flexibilité qu’offrait l’ancien modèle, tandis que les médecins doivent insérer les urgences dans des journées déjàsurchargées. Au lieu qu’un enfant souffrant d’une otite soit vu par un médecin de garde en soirée, son médecin de famille doit maintenant le recevoir entre deux rendez-vous — une situation qui ne profite à personne.
Ce changement démontre un manque flagrant de considération pour les patients comme pour les médecins. Ces derniers sont épuisés, tandis que les patients sont traités à la chaîne, dans une médecine de type « fast-food ».
Le député de Pontiac et ancien porte-parole libéral en matière de santé, André Fortin, a maintes fois dénoncé les effets de cette loi. L’Association des médecins de famille de l’Outaouais avertit qu’une trentaine de praticiens envisagent de quitter la province, de
prendre leur retraite ou de changer de spécialité. Avec 21 postes déjà vacants et plusieurs départs différés, la situation frôle l’absurde.
Pendant ce temps, Ottawa recrute 200 médecins. Il n’y a aucun mystère sur ce qui attend le système de santé dans le Pontiac — et les perspectives sont loin d’être rassurantes à l’approche d’une nouvelle année électorale au Québec.
