Les déboires obstétricaux de l’Hôpital du Pontiac s’aggravent – Deux médecins quittent le navire en raison d’une pénurie d’infirmières à l’échelle de la province

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Allyson Beauregard


Allyson Beauregard

SHAWVILLE –  Les femmes enceintes qui espèrent accoucher à l’Hôpital du Pontiac ne sont pas au bout de leur peine, puisque deux des cinq médecins de l’équipe d’obstétrique ont annoncé leur départ définitif de l’établissement à la fin de décembre. Cette nouvelle ne fait qu’ajouter aux difficultés de l’unité d’obstétrique. Le manque de personnel infirmier a déjà entraîné plusieurs bris de service en 2019, dont celui survenu au cours de la période du 11 au 13 novembre.
Josée Filion, directrice générale du Centre intégré de santé et de services sociaux de l’Outaouais (CISSSO), a tenu une conférence de presse à Gatineau, le 6 novembre dernier, pour faire le point sur la situation et les solutions envisagées.
Un réaménagement d’horaire a permis la réattribution des quarts de travail habituels des deux médecins démissionnaires jusqu’à la fin de janvier, mais le CISSSO s’efforce désormais de trouver des remplaçants pour assurer le maintien du service au-delà de cette date.
Selon Mme Filion, l’objectif du CISSSO est de maintenir les services d’obstétrique de l’Hôpital et plusieurs solutions sont envisagées à court et à moyen terme : efforts de recrutement international ; embauche de deux personnes chargées uniquement du recrutement pour l’Hôpital du Pontiac ; révision du processus d’embauche pour refléter la réalité linguistique du Pontiac (entrevues et examens bilingues) ; embauche de deux gestionnaires locaux pour superviser les activités de l’Hôpital, des CLSC et dans la communauté ; lancement d’une importante campagne de recrutement (médias sociaux, visites dans les établissements d’enseignement locaux, etc.). 
Après sept bris de service en obstétrique survenus cette année dans le Pontiac (principalement au cours du mois d’octobre), le CISSSO a annoncé le 24 octobre,
pendant un bris de service de six jours, que deux infirmières de l’Hôpital général juif du Centre-Ouest-de-l’Île-de-Montréal travailleraient à temps plein en alternance à l’Hôpital du Pontiac jusqu’à la fin de novembre.   
En plus des trois bris de service en chirurgie générale qui ont eu des répercussions sur l’unité d’obstétrique (dont le plus récent du 8 au 11 novembre), au moins deux autres bris de service en obstétrique ont été évités de justesse. L’un des bris de service évité aurait d’ailleurs pu durer un mois si le CISSSO n’avait pas reçu l’assistance d’une équipe de sages-femmes de la Maison de Naissance à Gatineau.
L’unité d’obstétrique de l’hôpital compte actuellement cinq infirmières au lieu des 12 normalement requises pour opérer le département. Il semble que l’Hôpital du Pontiac ait été plus gravement touché que d’autres hôpitaux en Outaouais, bien qu’il y ait des pénuries de personnel infirmier à l’échelle provinciale.
La goutte qui fait déborder le vase
Selon Mme Filion, les deux médecins partent pour des raisons personnelles et professionnelles non liées à la situation de l’unité obstétrique, ce que le groupe de citoyens La Voix du Pontiac met en doute.
« Selon des informations provenant de sources fiables, le manque de soutien reçu au cours des dernières années les a amenés à prendre cette décision », a déclaré le groupe dans un communiqué de presse. Les noms des médecins n’ont pas
été publiés.
« Nous ne pouvons pas blâmer les médecins, les infirmières et les autres professionnels d’être si contrariés ; ils maintiennent nos services en vie depuis des années. Les médecins du Pontiac sonnent l’alarme au sujet du recrutement depuis longtemps, mais l’administration du CISSSO est en mode réactif et non proactif… La nouvelle administration s’efforce d’améliorer les services, mais nous attendons toujours les actions concrètes promises par la ministre de la Santé, Danielle McCann », a déclaré Josey Bouchard, la porte-parole de La Voix du Pontiac.
Une solution simple
Le député de Pontiac, André Fortin, a déclaré qu’il existe une solution simple pour assurer la continuité des services d’obstétrique et de chirurgie dans les hôpitaux ruraux. Selon lui, Mme McCann doit signer une entente avec la Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ).
« Cette entente permettrait de s’assurer qu’il n’y aura pas de ruptures de service lorsque les médecins locaux ne sont pas disponibles, en imposant une obligation aux chirurgiens de Gatineau de les remplacer. La ministre m’a assuré en mars qu’il lui restait quelques jours avant de signer cette entente. Depuis, c’est le silence radio. J’ai interrogé la ministre au moins 10 fois à l’Assemblée à ce sujet : pas de réponse. La Fédération ne comprend pas non plus ce retard », a-t-il expliqué.
« Il faudra me passer sur le corps pour mettre fin au service d’obstétrique ici. Nous nous battrons pour maintenir ce service, s’il faut en arriver là », a-t-il ajouté.
Au début de novembre, la Fédération des médecins a publiquement demandé pourquoi la ministre n’avait pas signé l’entente. Selon des rapports récents, Mme McCann a déclaré qu’une entente serait signée sous peu. Cette entente repose sur une enveloppe de financement de 45 millions de dollars, que la Confédération des syndicats nationaux Outaouais (CSN Outaouais) a déclaré insuffisante pour faire face à la crise de pénurie de personnel.
« Arrêtez… de nous crinquer ! »
Des dizaines d’employés du CISSSO se sont rassemblés à l’extérieur de l’hôpital de Gatineau, le 8 novembre, pour encourager l’organisation de traiter ce problème en urgence, d’en faire plus pour le résoudre et d’arrêter de faire travailler
les employés « comme des robots ». Ils ont scandé le slogan « Arrêtez… de nous crinquer ! » (« Arrêtez de nous remonter » comme des jouets pour enfants).
« D’août à octobre, le CISSSO a embauché 155 personnes, mais 176 sont
parties. Les pénuries de personnel augmentent, ce qui exerce une pression énorme sur les employés qui sont déjà surchargés de travail et épuisés. En conséquence, de plus en plus de personnes tombent au combat. Depuis juillet 2019, la CSN est intervenue dans plus de 100 dossiers du CNESST et dans plus de 60 dossiers d’assurance salaire », a indiqué le syndicat dans un communiqué.
« Le problème est simple : le réseau ne peut plus attirer et retenir du personnel avec des salaires insuffisants et de mauvaises conditions de travail », a affirmé Jeff Begley, président de la Fédération de la santé et des services sociaux (FSSS-CSN).