Les ados, en mal de vivre

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La première saison de la toute nouvelle série Netflix « Thirteen reasons why » a soulevé la controverse dans le monde de l’éducation poussant certaines commissions scolaires à en « censurer » le visionnement à l’intérieur des classes, incitant les professeurs et l’ensemble des intervenants du milieu à

La première saison de la toute nouvelle série Netflix « Thirteen reasons why » a soulevé la controverse dans le monde de l’éducation poussant certaines commissions scolaires à en « censurer » le visionnement à l’intérieur des classes, incitant les professeurs et l’ensemble des intervenants du milieu à la plus grande prudence. Avant même que la polémique ne batte son plein, j’en avais déjà regardé tous les épisodes (seule et chez moi), partagée entre le fait
d’y trouver un matériau susceptible d’ouvrir le dialogue sur un sujet difficile et tabou et la simplicité un peu caricaturale avec laquelle le suicide d’une jeune fille était traité.
Que ce soit dans ma vie personnelle ou au cours de ma vie professionnelle, j’ai plusieurs fois été confrontée au suicide qui provoque toujours chez moi le choc, la
consternation et qui soulève une grande part d’incompréhension et de malaise. L’acte me renvoie sans doute à mes propres peurs, à mes propres échecs, à mes incertitudes les plus profondes et surtout à mon impuissance totale à contrôler celles des autres. Il nous arrive à tous d’être découragés, de ne
pas percevoir la lumière au bout d’un tunnel qui nous semble sans fin, mais nous
ne commettons pas tous pour autant l’irréparable.
Le suicide remue la communauté dans ses fondements les plus intimes. Il n’y a qu’à penser à la vague de suicides chez les jeunes autochtones pour comprendre à quel point cela peut être révélateur du mal de vivre d’une société. Si la mort soudaine d’un proche nous prend au dépourvu, le suicide, lui, soulève l’incrédulité, exacerbe les tensions alors que ceux qui restent cherchent les réponses, posent les questions, pointent les coupables, plongent dans le déni, chacun tentant de poursuivre du mieux qu’il peut cette vie que quelqu’un d’autre n’a pas voulu continuer, s’efforçant de trouver un sens au geste ultime de se donner la mort.
Par le débat qu’elle a soulevé, « Thirteen reasons why » n’est que la pointe d’un
iceberg mettant en lumière le malaise de toute une société. Selon une étude menée par le Centre de toxicomanie et de santé mentale, affiliée à l’université de Toronto, auprès de 10 000 étudiants en Ontario (Source : L’Actualité), plus du tiers
des jeunes souffriraient de détresse psychologique liée à l’anxiété. Confrontée
à la réalité du terrain, pas besoin de statistiques pour constater que le stress des jeunes est en augmentation.
Sans doute devient-il difficile pour les jeunes/les gens de jongler entre les
paradoxes d’une société multiculturelle qui se dit et se veut inclusive mais qui, sous les assauts répétés d’un terrorisme envahissant, se replie sur elle-même, de comprendre les contradictions d’une société qui combat l’élitisme, vantant les mérites d’une réussite accessible à tous, mais qui mise sur la performance et n’apprend pas à ses jeunes à gérer l’échec ? Sous la pointe de l’iceberg
à la dérive se cache le mal-être de toute une société, dans laquelle, derrière le
mur des apparences, des jeunes/des gens souffrent de ne pas trouver leur place.

Dominique BOMANS
Éditorialiste InvitéE
Guest Editorialist